En hommage à Philippe SOLLERS

Je me suis arrêté un moment au cimetière des livres, en bas du boulevard Saint-Michel, chez Boulinier. Quatre fosses communes à hauteur de ventre tiennent le trottoir, devant le magasin, vous n'avez qu'à piocher, et vous servir : la fosse où tout est à 0,20 centime le roman de quat'sous (faut-il mettre un « s » à centime ?), la fosse à zéro cinquante, et la fosse à un. Dans la fosse à un euro, il y avait, entre autres, deux romans, l'un de Philippe Sollers, Passion fixe. Je me suis demandé si ce titre se voulait être une allusion détournée à Passion simple, le roman de Annie Ernaux, paru plusieurs années auparavant, en 1994, alors que le livre de Sollers lui datait de 2002...

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Franz KAFKA, La Métamorphose, Texte présenté, traduit et annoté par Claude David, 121 pages, folio classique

Ayant lu La métamorphose, j'aurais pu prétendre entrer alors dans le groupe de « ceux qui avaient lu Kafka », c'est-à-dire une forme d' « élite intellectuelle lycéenne » qui n'a jamais existé ailleurs que dans mon esprit ! À l'époque, celui ou celle qui avait lu La Métamorphose pouvait prétendre, en trichant beaucoup, avoir lu tout Kafka, ou presque – c'était amplement suffisant ! En 1970, Cavanna publiait en effet : « Je l'ai pas lu, je l'ai pas vu, mais j'en ai entendu causer », c'est vous dire !

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En soutien aux grévistes du 7 mars 2023 (Extrait d’un roman en cours d’écriture)

Je m'appelle Jean Valjean. Oui, Jean Valjean, comme le Jean Valjean des Misérables, le forçat du roman de Victor Hugo. Mais ce n'est qu'une coïncidence, elle fera sourire certains. J'ai l'habitude. Ça me laisse froid. À mon travail, on m'a affublé d'un sobriquet : JeanJean Le Grand Méchant Mou. Dans mon dos naturellement. Je n'étais pas censé le savoir. Dans l'entreprise, tout se sait. Beaucoup savent peu, mais quelques-uns savent tout. En général, plus vous grimpez dans la hiérarchie, plus ils savent. Ils savent tout sur tout, et ils savent tout sur vous, ou presque...

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Est-ce ainsi que les écrivains naissent ?

Il disait ils disaient « Ferme ta boîte à camembert »/ Il disait ils disaient « Elle a fait l'exode sur une barrique »/ Il disait ils disaient à toute vitesse sinon ça marche pas : « Y'a ma moto qu'a des ratés »/ Il disait ils disaient à toute vitesse sinon ça marche pas : « Qui pète trop vite chie »/ Il disait ils disaient à toute vitesse sinon ça marche pas : « Tes laitues naissent-elles ? Si tes laitues naissent, mes laitues naîtront »/ Il disait ils disaient à toute vitesse sinon ça marche pas : « Ta chatte a pété ? T'as ChatGPT ? »

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David Foster WALLACE, La Fonction du balai, 1987

Question : jusqu'à quel point un romancier peut-il faire le show, afin de capter l'attention du lecteur et de la garder, sans que soudain parte en fumée chez ledit lecteur ce que, dans le jargon de la narratologie, on appelle « la suspension d'incrédulité » ? Chez Foster Wallace, la vanité d'auteur est largement compensée par les mérites du romancier au travail ‒ une belle intelligence, une imagination débordante, un sens aigu de l'absurde et de la drôlerie, de l'insolite, de l'imprévisible ; et de l'audace.

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