Alain Robbe-Grillet naquit à Brest, il mourut immortel…

Alain Robbe-Grillet, « pape » du nouveau roman, vient de mourir : triste nouvelle pour certains ; indifférente pour d’autres ?
Beaucoup d’analyses pertinentes concernant le roman, en tant que genre littéraire, ont été faites ; beaucoup de bêtises ont été dites, écrites, et faites, à son sujet. Objet de polémique, prétexte à des débats jamais clos, le « Nouveau Roman » ne fit pas exception à la règle ; bien au contraire, il fut placé, de tout temps, au cœur de la polémique. Il ne sert donc plus à rien d’ajouter, aujourd’hui, à ce flot de salive et d’encre, qui ne reflète, la plupart du temps, que nos préjugés. Or, nous préférons parler de nos goûts…
Poussé par la curiosité, nous fîmes donc, pour le Nouveau Roman, comme avec tous les autres : nous eûmes envie d’en tâter, de ce plaisir de lecture qu’il était censé nous apporter ; lit-on jamais autrement que par plaisir ? Et ensuite, et peut-être, profiter de ce « petit quelque chose de plus », que nous serions bien en peine de définir, si ce n’est qu’il a peu de chose à voir avec la « culture », et beaucoup à faire avec un certain art de vivre…
Et donc, en l’espace de quinze ans, nous nous attaquâmes, dans l’ordre : primo, sur les conseils d’une amie émerveillée, à La Modification, de Michel Butor ; secundo, sur la foi d’un article élogieux et fort long, paru dans Le Monde, aux Georgiques, de Claude Simon ; tertio enfin, et de notre seule initiative – à défaut de périr immortel, nous ne voulions pas mourir idiot ! –, aux Gommes, d’Alain Robbe-Grillet, justement.
Hélas, ces trois lectures échouèrent ; conséquemment, ces trois romans prirent illico la direction du Cimetière de nos lectures avortées… (Cf. note précédente : Cimetière des pavés inachevés…).
Notre lecture de La Modification, – que nous ayons gardé le souvenir de ce détail nous surprend encore – fut interrompue lorsque, sous la plume de l’auteur, les premiers émois d’un pépin de citron sur le sol d’un compartiment de wagon de chemin de fer, firent leur apparition… Cependant, alors que l’ennui seul avait justifié que l’on refermât le roman de Michel Butor, pour le roman de Claude Simon, c’est l’agacement qui en fut la cause : agacement face à un style jugé trop lourd à notre gré ; agacement plus grand encore face à un auteur désireux d’imposer, par endroits, à son lecteur, et sur la même page, deux fils de lecture différents, correspondant bien entendu à deux textes eux-mêmes différents : comment pareille naïveté était-elle concevable chez ce futur prix Nobel ?
Concernant Les Gommes, quoique l’auteur n’en dise rien, nous sommes persuadés que le cadre du roman, c’est la ville de Brest, avec ses rues impersonnelles ; des rues qui se ressemblent toutes, en apparence du moins. Aujourd’hui voyez-vous (« Quelle connerie la guerre… ») – Brest n’est plus qu’un ciel, que l’air marin parfume, et c’est ce qui fait, avec cette grande lumière partout répandue, la beauté triste de cette ville où nous vivons…
Mais revenons à nos Gommes : quelqu’un – nous n’osons pas dire le héros, ou le personnage principal, nouveau Roman oblige ! – déambule dans ces rues de Brest où, rappelons-le, Robbe-Grillet est né ; or, cela est décrit par Alain Robbe-Grillet avec talent et sensibilité.
C’est ce seul aspect qui fit pour nous le charme de ce roman, et non sa construction, dont nous voulons bien qu’elle fût nouvelle, et savante, car dès qu’il en a été question, nous refermâmes le livre…

Un commentaire sur “Alain Robbe-Grillet naquit à Brest, il mourut immortel…

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  1. Bonjour Joël,

    Encore moi, mais je n’ai pas pû me retenir. Je tenais à te remercier pour l’article sur Alain Robbe-Grillet.

    Il y a des années, j’ai lu ou plutôt essayé de lire  » Gommes », mais je manquais certainement de maturité.
    J’ai vu le film « L’Année dernière à Marienbad » mais mes connaissances littéraires et cinématographiques le concernant s’arrêtent là.

    Pourtant, j’ai connu personnellement Alain Robbe-Grillet. J’étais une très jeune adolescente. Une amie m’avait invitée chez sa maman et j’ai eu le bonheur de faire sa connaissance lors de ces rencontres.

    Il avait trente et quelques années et moi adolescente en herbe. J’ai tout de suite été subjuguée par son charisme, ses connaissances et sa beauté. Il a été, je pense, mon premier chagrin d’amour !… (Platonique cela s’entend !)…

    Je garde un souvenir inextinguible de ces rencontres privilégiées.

    Merci d’avoir, par tes écrits, honoré son souvenir.
    Souvenir d’un écrivain hors pair !…

    Je t’embrasse,

    Annie.

    P S. J’habite à deux pas de la maison que sa mère et sa tante habitaient à l’époque.

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