« Le bonheur n’est jamais qu’un état d’esprit. »
Il semblerait que certains livres doivent être lus dans la jeunesse, et ne jamais être relus ensuite. Plus tard dans la vie, ils ne nous font plus l’effet secrètement escompté par l’auteur : la vie est passée par là avant eux, et nous a appris, bon an mal an, ce que le livre était censé nous révéler, ou nous transmettre…
Il arrive même parfois que l’argument du livre se voit contredit, battue en brèche par la vie.
Lorsque je lus pour la première fois Le Mythe de Sisyphe, vers l’âge de trente ans, soit approximativement l’âge auquel Albert Camus écrivit son livre, je fus enthousiasmé par cette lecture. Hélas, vingt ans plus tard, l’impression qu’il me fit à sa relecture n’était plus la même. Qu’avais-je compris entre-temps ?
Deux choses toutes simples : tout d’abord, que pour celui qui passe à l’acte, le suicide n’est jamais une question théorique, voire philosophique, et rarement un choix raisonné (or, on sait que Camus ouvre son « Mythe » sur cette question, qu’il estime centrale). A celui-là le suicide apparaît plutôt comme le seul, l’ultime remède apportée à une souffrance devenue intolérable…
Quant au mythe de Sisyphe lui-même, qu’une tradition tenace érige en symbole de notre condition d’homme, la vie nous apprend qu’il n’est peut-être pas nécessaire de « rouler son rocher » – comprenez la condition humaine (ce fardeau ?) – sur la pente de la montagne. A quoi bon, n’est-ce pas, rouler ce fameux rocher vers le haut de la montagne, dès lors qu’il s’obstine à retomber toujours avant que d’avoir atteint le sommet ? Ne vaut-il pas mieux se débarrasser de lui, et donc le laisser en bas, et gravir la montagne sans lui ? Moyennant quoi, et c’est d’ailleurs la dernière phrase du livre d’Albert Camus : « Il faut imaginer Sisyphe heureux »…
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