L’adverbe de manière dans Madame Bovary, de Gustave Flaubert…

« L’adverbe de manière dans Madame Bovary, de Gustave Flaubert »… : voilà un beau sujet ! Avec lui, nous sommes sûrs, au moins, d’enchanter nos visiteurs et de les multiplier comme de bons petits pains !

Peut-être convient-il d’emblée de vous rafraîchir la mémoire ? Qu’est-ce donc qu’un adverbe de manière ? Consultons notre grammaire française miniature (Nathalie Baccus, Grammaire française, Série Mémo, Librio), à la page 12 : « L’adverbe – comme l’adjectif par rapport au nom – apporte une précision sur un adjectif, un verbe, un autre adverbe, une préposition ou toute une proposition ». Soit. Poursuivons : « Il existe des adverbes de manière, qui sont adossés à un adjectif ou à un verbe ». Diantre, voilà qui est méchamment éclairant ! « méchamment » : adverbe de manière, « éclairant » : adjectif… Vous avez compris ? Parfait, abordons le cœur de notre sujet.

Nous commençons par relire Madame Bovary, de Gustave Flaubert, mais pas de n’importe quelle manière ! Nous le relisons, ce prodigieux roman, avec pour unique objectif de repérer l’apparition dans le texte du tout premier adverbe de manière… Combien de pages croyez-vous que nous devrons relire ? Eh bien, pas moins de trois pages entières ! Le premier adverbe de manière apparaît, en effet, en page 4 (dans notre édition en Livre de Poche) ; il s’agit de l’adverbe « timidement ».

Essayons de décortiquer la chose, même si cela s’avère un peu fastidieux je l’avoue. Rappelez-vous, le roman de notre génial Gustave commence par le récit de l’arrivée de Charles Bovary enfant (le futur époux de Madame par conséquent) en classe de cinquième ; première phrase : « Nous étions à l’étude, quand le Proviseur entra, suivi d’un nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre » (Cela sonne un peu comme « suivi d’un seul hussard qu’il aimait entre tous », vous ne trouvez pas ?). Quelques lignes plus loin : « Nous avions l’habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin d’avoir ensuite nos mains plus libres ; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière ; c’était là le genre. ». Or, Charles Bovary hésite à jeter sa casquette, car celle-ci est neuve ; sa casquette finit tout de même par tomber quand il se lève pour répondre au Proviseur. « – Que cherchez-vous ? demanda le professeur. – Ma cas…, fit timidement le nouveau, etc. » : le voilà donc, notre « timidement », en page 4 !

« Et alors ? » me dites-vous aussitôt : « tout ça pour ça ? ». Oui, tout ça pour… la beauté d’un style romanesque incomparable, et « probablement » jamais égalé depuis, ou si « rarement ».

Ce que nous voulons suggérer, c’est tout « simplement » que la beauté de ce style tient, entre autres, à cette volonté délibérée – comment expliquer autrement que l’insertion de cette sorte d’adverbe, spontanée sous la plume de n’importe quel autre auteur, quel qu’il soit, chez Flaubert n’intervienne qu’au bout de plusieurs pages d’écriture – d’exclure le plus possible l’usage de ces adverbes, qui, la plupart du temps, alourdissent « inutilement » la phrase ! Gustave Flaubert fut « vraisemblablement » le premier romancier à comprendre toute l’importance de ne pas surcharger ses phrases par des adverbes de manière… Bien d’autres aspects de son écriture motivent, « naturellement », la gloire qui fut, et demeure, la sienne, mais ceci est une autre et bien plus longue histoire…

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