S’il devait y avoir une leçon, au meilleur sens du terme, à tirer de ce conte La Maladie du désir, ce pourrait être celle-ci : tel le malin génie du conte, qui n’a pas d’yeux, le désir est aveugle. Il frappe au hasard, mais chacun de ses coups, même le plus léger, porte ses fruits, et parfois ouvre des blessures. On ne saurait ni lutter contre lui ni lui résister ; et encore moins lui échapper. Il appartient à chacun d’entre nous de pactiser avec lui, comme il l’entend, ou plutôt comme il le peut, et pourquoi pas aussi, l’accompagner dans sa gloire !
……………..
Ce jour-là, Jo, le charpentier du village de Saint-Galoubet-sur-mer parcourait la plage à la recherche d’une épave, d’un quelconque bout de bois déjà creusé par l’eau de mer, dont il pourrait faire une statue, une belle statue à laquelle il accorderait toute sa dévotion, et qui, le soir, lorsqu’il s’endormirait dans sa maison située au bord de la grève, le consolerait de sa triste solitude.
Jo avait beau chercher, fouiller le goëmon ramené par le flot sur la rive, il ne trouvait rien. Il y avait là, bien sûr, des centaines de coquillages, et cela faisait autant de petites taches de couleur, rose, jaune, blanche, grise, brune parfois, toute une palette que le regard ne pouvait embrasser mais qui existait néanmoins, et faisait de la plage quelque chose d’inattendu et de surprenant quand on l’imaginait ainsi du seul point de vue de cette multitude de couleurs.
Soudain, alors qu’il soulevait à grand peine un gros caillou à la couleur étrange, un curieux phénomène se produisit. Il entendit quelqu’un qui bâillait comme s’il se fût éveillé d’un profond sommeil. Intrigué, Jo laissa retomber le caillou sur le sable. Et c’est alors qu’une voix lui dit ceci :
– Trop tard. Il ne fallait pas le remuer !
Jo sursauta. Un frisson glacé parcourut son échine.
– Holà ! Qui donc me parle ainsi. Montrez-vous pardi ! Etes-vous donc invisible ?
– Point du tout, mon brave monsieur. Je suis là sous vos yeux ! répondit la voix qui minaudait comme une petite fille espiègle.
Jo se tourna, se retourna, regarda ses pieds, contempla le ciel, l’horizon, scruta la mer au loin qui s’était retirée, et ne comprenant toujours pas qui pouvait parler ainsi, dit d’une voix forte mais qui tremblait un peu :
– Où donc es-tu, esprit malin, pour te moquer ainsi de moi : montre-toi, veux-tu !
– Je suis sous le caillou, dit la voix d’enfant.
– Le caillou ?
– Oui, le caillou que tu as soulevé tout à l’heure…
Jo, incrédule, regarda ses mains et le gros caillou à la couleur étrange qui gisait à ses pieds. Il était abasourdi. Etait-ce le verre de vin qu’il avait bu ce midi qui lui était monté à la tête et le trompait ainsi ?
– Tu n’as point trop bu, c’est bien moi qui te parle ! lança la voix fluette, comme si elle eût deviné sa pensée.
Jo n’en croyait ni ses yeux ni ses oreilles. La voix poursuivit :
– Je suis un bon génie. Je dormais depuis mille ans sous ce caillou d’argent à la suite d’un fichu mauvais sort qu’une méchante fée me jeta, et toi, mon bon Jo, tu m’as tiré de mon sommeil en soulevant le gros caillou. Oh là la ! Comme il est lourd ce caillou, quel fardeau, aide-moi donc à le renverser, il m’écrase ! et toutes ces algues gluantes et salées, comme elles m’écœurent ! Vite, dépêche-toi, j’étouffe !
Jo, sans comprendre, obéit, et renversa le caillou sur la grève, découvrant une petite flaque d’eau qui brillait sous le soleil comme une pierre précieuse.
– Penche-toi maintenant, dit tout doucement la voix, regarde au fond de la flaque : ne me vois-tu pas ?
Jo se pencha et vit ce qu’il fallait voir : une bouche aux lèvres roses, des joues bien dodues, un menton pointu, tout le bas d’un visage aux traits enfantins qui souriait, souriait, souriait à l’infini… et dont le vieux charpentier ne pouvait détacher son regard tant ce doux visage, qui n’avait pourtant pas d’yeux, était beau et délicat.
Alors, au comble du ravissement, Jo vit la bouche articuler des mots et il entendit la voix familière lui dire :
– Je veux te remercier de m’avoir délivré du joug de cette méchante fée. Allez, répète après moi, mon bon charpentier, et tes moindres désirs seront comblés dès qu’ils effleureront ta pensée. Répète, répète donc :
« Caillou blanc, caillou d’argent
Vive la vie, foin des tourments
Comble, bouche rose, tous mes désirs brûlants ! ».
Jo, qu’une vie pauvre et misérable avait rendu méfiant, n’osait répéter.
– N’aie aucune crainte, gentil charpentier, mon offre est sincère et désintéressée.
Jo réfléchit. Après tout, que risquait-il ? Il était vieux. De la vie, il n’avait connu jusqu’alors que souffrance et malheur. Rien de vraiment heureux, depuis de nombreuses années, depuis que sa femme était morte, ne lui était jamais arrivé. Alors, pourquoi ne pas succomber au charme de cette petite voix d’enfant qui lui promettait monts et merveilles, délices et félicité, tout ce dont une farouche existence l’avait privé et qu’il eût aimé posséder comme tout un chacun ?
Jo, d’une voix timide, répéta :
« Caillou blanc, caillou d’argent
Vive la vie, foin des tourments
Comble, bouche rose, tous mes désirs brûlants ! ».
– Bravo, tu connais ta leçon ! dit la bouche d’un ton badin.
Et la voix de l’enfant partit d’un immense éclat de rire qui grandissait, grossissait, résonnant sur toute l’étendue de la grève jusqu’à l’horizon, jusqu’au ciel, jusqu’aux nuages, jusqu’aux étoiles, jusqu’au soleil.
Et ce fou rire d’enfant lui glaça le sang dans les veines tant il était violent et démesuré. Puis, le visage disparut de la flaque d’eau et un silence de mort s’abattit sur la plage.
Jo se consola en pensant que désormais la vie allait enfin lui sourire. Il rentra chez lui et voulut aussitôt vérifier que le génie ne lui avait pas menti. « Caillou blanc, caillou charmant, Vive la vie, foin des tourments, Comble, bouche rose, tous mes désirs brûlants ! », dit-il tout bas en regardant l’horloge au balancier de cuivre. Celle-ci s’était arrêtée brutalement il y avait une dizaine d’années lorsque Agathe, sa femme, était morte, et elle n’avait jamais repris sa course depuis en dépit de tous les soins qu’il lui avait prodigués. Jo souhaitait qu’elle fonctionnât à nouveau. Hélas, les mots n’agirent pas, et les aiguilles demeurèrent désespérément immobiles.
Jo, qui avait tendance à perdre la mémoire, tapa du poing dans la paume de sa main :
– Bon sang, mais c’est bien sûr ! jura-t-il soudain. La formule n’est pas bonne. Ce n’est pas « Caillou charmant » mais « Caillou d’argent ! ». Recommençons.
« Caillou blanc, caillou d’argent
Vive la vie, foin des tourments
Comble, bouche rose, tous mes désirs brûlants ! ».
Aussitôt, l’horloge se mit à carillonner comme une folle. On aurait cru qu’elle voulait évacuer d’un coup toutes les heures oubliées qui s’étaient accumulées depuis toutes ces années. Jo battit des mains, poussa un cri de joie et se mit à danser la gigue autour de la table, gesticulant comme un beau diable, tout heureux de posséder un pouvoir aussi prodigieux.
A nouveau, il voulut vérifier qu’il était bien désormais le seul maître de son destin. Il répéta d’une voix hachée par l’émotion mais, cette fois avec précision, la miraculeuse formule :
« Caillou blanc, caillou d’argent… ».
Que puis-je désirer maintenant ? songea-t-il lorsqu’il eut dit les mots. Il se trouva sans difficulté un nouveau désir à satisfaire. Sa vieille 2CV grise, usée par les ans, ne roulait plus depuis belle lurette. Il pensa qu’une splendide petite Renault neuve ferait bien son affaire. Dès qu’il eut pensé cela, un terrible vacarme éclata dans la cour. Epouvanté, Jo bondit hors de sa demeure. C’est alors qu’il aperçut au beau milieu de son potager les décombres fumants de sa vieille 2CV et, plantée au creux de cet amas de ferraille tordue, une merveilleuse petite Renault rouge qui brillait tant dans le soleil qu’il en fut ébloui !
Jo ne se tenait plus de joie. Il brandit les poings, jura, cria, dansa tout autour de l’auto. Il était heureux à un point tel que nous ne saurions le décrire, tant ce nouveau bonheur tranchait sur les dures années de misère et de tristesse qu’il avait connues avant, avant cette rencontre, ô combien providentielle, avec le bon génie de la plage.
Ce soir-là, notre bon charpentier s’endormit d’un profond sommeil, peuplé de rêves fantastiques où il voyait mille bouches roses le couvrir de baisers et de mots suaves et doux comme du miel. Jo dormait le sourire aux lèvres ; songeait-il à toutes les richesses que sa vie nouvelle allait lui apporter ? Et celui d’entre vous qui aurait su se déguiser en courant d’air, pénétrer dans la maison de Jo en passant sous la porte, et se glisser dans sa chambre, aurait pu voir que notre brave charpentier conserva toute la nuit sur ses lèvres ce fin sourire d’homme heureux et comblé.
Le lendemain matin, Jo eut la paresse de préparer, comme il le faisait d’ordinaire, son petit déjeuner. A quoi bon me tracasser ainsi, se dit-il, notre esprit malin va nous débarrasser de ces ennuyeuses corvées ménagères ! Et Jo prononça sans se tromper une fois la fameuse formule :
« Caillou blanc, caillou d’argent
Vive la vie, foin des tourments
Comble, bouche rose, tous mes désirs brûlants ! ».
Aussitôt, dans la cuisine, une nappe brodée d’or à la blancheur immaculée vint, tel un tapis magique, recouvrir la table. Puis, une longue suite de mets appétissants vint, à son tour, se poser sur la table, surgissant de l’ombre comme par magie. Il y avait là toutes sortes de charcuteries fines, de gâteaux succulents et de fruits exotiques. Jo, qui se contentait d’habitude d’une tranche de pain noir, d’un morceau de lard et d’un verre de lait, n’avait jamais rien vu de pareil et était émerveillé.
Ce matin-là, il mangea de fort bon appétit, goûtant de tout et n’hésitant pas à reprendre. Puis, lorsqu’il ne fut plus capable d’avaler quoi que ce fût, il quitta la table et rangea soigneusement dans son frigo les restes de son formidable festin.
Voilà mon repas de midi d’assuré ! se dit-il gaiement. Allons, que puis-je désirer maintenant ? Il n’eut pas à se poser longtemps le question. Chaque matin, en effet, Jo lisait le journal. Alors, faudrait-il aujourd’hui encore sortir dans l’air humide et glacé de l’aube pour aller le chercher dans la boîte aux lettres ? Grands dieux, que nenni ! Il lui suffit donc de répéter les mots magiques pour que son journal apparaisse aussitôt dans ses mains tandis qu’il se calait confortablement dans son fauteuil. Quel confort ! Quel luxe ! Quelle volupté ! Comme la vie est agréable ! s’exclama la charpentier qui émit un long soupir de contentement en feuilletant les pages de son quotidien préféré.
Toute la matinée se déroula ainsi. Jo allait de surprise en surprise : il n’eut pas à allumer le poêle, ni même sa pipe. Il n’ eut pas à se rendre au village pour faire ses courses. Ses placards se remplirent d’eux-mêmes. Il n’eut pas le ménage ni son lit, ni même la vaisselle à faire. Il n’avait qu’à prononcer les mots : « Caillou blanc, caillou d’argent… », et tout était réglé dans la seconde qui suivait. Quel confort ! Quel luxe ! Comme la vie est agréable ! Et quelle volupté !
Des jours magnifiques passèrent ainsi ; et le génie tint parole. Jo se levait, prenait son petit déjeuner ; ensuite, il faisait sa toilette. Un jour, il s’amusa à prononcer les mots magiques tandis qu’il se rasait. Aussitôt, une main mystérieuse et invisible lui arracha son rasoir et se mit à lui raser la barbe avec une agilité surprenante ! Le rasoir, suspendu dans l’air, bougeait et dansait autour du visage de Jo qui riait aux larmes voyant ainsi son rasoir se dandiner comme une majorette autour de ses joues et lui chatouiller le menton.
Puis, venait le moment de lire le journal. Puis, celui des courses, et pfut ! les placards, le frigo se remplissaient de victuailles. Puis, midi sonnait. Jo se mettait à table, mangeait et buvait, mangeait encore, nombre de mets savoureux et de nourritures étonnantes. Ensuite, rassasié, il montait se coucher et il s’endormait. Il dormait ainsi plusieurs heures. L’après-midi touchant à sa fin, il s’éveillait et partait en promenade. Les gens du village qui le croisaient sur leur route s’étonnaient de le voir flâner d’un pas lent et paresseux, un large sourire aux lèvres, poussant en avant un ventre rebondi ! On chuchotait dans son dos :
« Mais qu’est-il donc arrivé à notre bon Jo, lui si triste, si effacé et si chétif il y a seulement quelques semaines ? Comme il est gros et gras désormais, comme il est fier, comme il fait l’important, comme il a l’air joyeux, et cette rutilante Renault neuve, d’où lui vient-elle ? Aurait-il fait un héritage ? ».
Les langues des commères allaient bon train, et les hommes, de rudes marins et de solides paysans, n’étaient pas cependant les derniers à commenter la surprenante transformation du vieux Jo.
Le temps passa encore. Et l’habitude aidant, les villageois finirent par accepter la nouvelle vie du charpentier.
Certains jours malgré tout, il arrivait que Jo s’ennuyât. Oh, cela durait si peu néanmoins. Quelques instants tout au plus, et puis, bien vite, Jo se trouvait un nouveau désir à combler. Alors :
« Caillou blanc, caillou d’argent
Vive la vie, foin des tourments
Comble, bouche rose, tous mes désirs brûlants ! ».
Et hop ! le tour était joué, – le désir de Jo était, une fois de plus, exaucé.
C’était tantôt un joli cheval bai et sa voiturette qu’il désira pour se rendre à la foire chaque premier mercredi du mois.
Ou c’était un beau et grand manteau du meilleur drap qu’il désira pour avoir chaud l’hiver.
Ou c’était une boîte de dominos du plus bel ivoire et incrustés de la nacre la plus fine qu’il désira pour jouer avec ses amis le soir au café du port.
Ou c’était un bateau neuf, bleu comme la mer, blanc comme les nuages d’été, équipé d’un gros moteur qui ronronnait comme un chat.
Ou c’était une paire de bottes du cuir le plus souple et le plus odorant.
Ou c’était de la vaisselle d’or qu’il cachait dans son armoire de peur qu’on ne le vit manger dans l’assiette d’un riche.
Ou c’étaient les plus beaux parterres de fleurs qu’il souhaitait voir tapisser son jardin afin qu’on dise de lui : « Jo, assurément, est notre meilleur jardinier ! ».
Ou c’était le vin le plus exquis que la vigne ait jamais produit qu’il offrait à ses visiteurs, si bien que l’on disait de lui : « Jo, assurément, est notre hôte le plus galant ! ».
Ou c’était la voix la plus forte et la plus mélodieuse de toute la région qu’il exhibait soudain à l’office, un dimanche, et tous disaient de lui : « Jo, assurément, est notre chanteur le plus doué ! ».
Hélas, tous ces bienfaits en si grand nombre finirent par le lasser. Sa vie lui pesait. Ses désirs les plus fous, les plus secrets étaient toujours comblés. Plus rien d’inattendu ou de drôle ne se produisait dans sa vie. Un beau matin, il n’eut plus envie de manger, ni de lire son journal, ni de se promener dans sa jolie voiture rouge. Jo, soudain, comprit qu’il s’ennuyait. Confusément, il sentait bien que quelque chose d’essentiel lui manquait. Et ce quelque chose d’indéfinissable qui lui faisait monter les larmes aux yeux et battre le cœur comme un petit tambour, qui lui manquait si cruellement, – c’était la chaleur d’un amour. Cet amour si précieux qu’il avait connu et apprécié lorsqu’il vivait avec sa femme, la gentille Agathe, hélas trop tôt disparue.
Jo sentit tout à coup le poids de sa solitude l’anéantir. Il se jeta sur son lit et pleura à chaudes larmes pendant plusieurs minutes, longues comme des siècles. Son désespoir était immense. Comme il avait été stupide et aveugle ! A quoi bon en effet tous ces trésors, toutes ces richesses, maintenant que ma bonne Agathe n’est plus là pour en jouir avec moi ? pensait-il. Et il pleura encore de longues minutes, la tête dans les bras.
Le soir tombait tristement. L’ombre gagnait la chambre de Jo. Le soleil couchant lançait ses derniers rayons d’or à l’assaut de l’horizon. Jo se ressaisit. S’asseyant sur le rebord du lit, il se mit à réfléchir. Une idée qui, au début, lui parut absurde, germa dans son esprit. Jusqu’à présent, l’esprit malin à la voix d’enfant avait exaucé tous ses désirs, même les plus fous. Ne pouvait-il pas lui demander aussi cela ? Cela, qui lui trottait dans la tête depuis quelques instants, et qu’il n’osait s’avouer à lui-même…
Plus il y pensait, plus l’idée lui semblait excellente. Et il prononça les mots magiques, le cœur plein d’espoir :
« Caillou blanc, caillou d’argent
Vive la vie, foin des tourments
Comble, bouche rose, tous mes désirs brûlants ! ».
Dès qu’il eut prononcé la magique formule, il se redressa et dit bien haut d’une voix forte :
« Malin génie, doux génie, redonne vie à mon Agathe et fais qu’elle revienne à mes côtés ! ».
A peine eut-il dit ces mots qu’un gigantesque fou rire d’enfant envahit la petite chambre, faisant trembler les murs et craquer le parquet. C’était ce rire si terrifiant que Jo avait entendu sur la grève avant que l’esprit malin ne disparût. Un rire si aigu, si plein de moquerie qu’à nouveau le vieux Jo sentit son sang se figer dans ses veines.
Et comme il faisait un pas vers la porte pour s’enfuir, il vit soudain la fameuse bouche rose, les joues et le menton enfantins du malin génie surgir, en gonflant, du trou de la serrure, et se planter là devant son visage ébahi. C’était comme une grosse boule de brume et de vapeur avec en son centre la bouche aux lèvres roses qui souriait étrangement. Jo, tremblant de peur, bredouilla :
– Oh malin génie, doux génie, redonne vie à mon Agathe, je t’en conjure !
La bouche parut réfléchir. Puis, elle dit d’un ton patelin :
– Tu sais bien, mon pauvre Jo, que même les malins génies, si malins soient-ils, n’ont que de faibles pouvoirs, et qu’ils ne peuvent tout accorder. Voilà qui est fort dommage pour toi, ma foi.
Et la bouche émit un long soupir qui sembla à Jo être de découragement, mais qui n’était, en réalité, que nouvelle moquerie. Car, à peine eut-elle dit ces mots qu’elle repartit d’un immense éclat de rire.
– Je ne peux espérer revoir mon Agathe ? Est-ce cela que tu cherches à me dire ? demanda Jo, inquiet.
– Hélas, oui, mon bon charpentier. Aux portes de la mort, vois-tu, s’arrêtent mes pouvoirs. Comme il est dommage que je sois si faible ! ajouta encore la voix, dans un nouveau soupir, et se moquant toujours de notre ami.
– Je ne te crois pas, maudit génie ! Tu cherches à me tromper ! Tu es un menteur ! hurla Jo, en agitant ses poings.
La voix, cette fois, ne répondit rien et repartit dans un immense et terrible éclat de rire. C’était tantôt comme un grincement de vieux rafiot, tantôt comme des vitres que l’on se serait amusé à briser par plaisir. L’instant d’après, la grosse boule de brume et de vapeur où était apparue la bouche se volatilisa, et Jo sentit que des mains innombrables et invisibles le rouaient de coups.
Epuisé, le corps douloureux, il s’écroula sur le parquet de la chambre et fondit à nouveau en larmes. Puis, un peu plus tard, à bout de désespoir et de fatigue, il s’endormit d’un profond sommeil qui le laissa sans rêves jusqu’au lendemain matin.
Le lendemain, Jo s’éveilla avec un goût amer dans la bouche. Il n’éprouvait plus aucun désir. Il n’avait plus envie de rien, ni de manger, ni de fumer, ni de lire le journal. Dans sa tête, il n’y avait que des regrets.
Il songea avec nostalgie au temps béni où sa femme vivait encore, à ces tendres promenades qu’ils faisaient ensemble sur la grève. Il se rappelait le sourire d’Agathe, sa gaieté, sa voix si douce lorsqu’elle chantonnait dans la cuisine en préparant le repas. Hélas, tout cela ne reviendrait jamais. La rage au cœur, notre bon charpentier maudit encore une fois ce satané génie qui l’avait trompé et roué de coups ! Jo souhaitait ardemment se venger de ce gredin. Mais que pouvait-il contre un génie rusé et puissant, lui qui n’avait que la force de ses bras pour lutter ? Il fallait bien se rendre à l’évidence : mieux valait tenter d’oublier cette triste aventure.
Il ruminait ainsi sa rancœur lorsqu’une lueur éclaira soudain son esprit. « Et si je m’adressais à Philomène Joyeux, celle-ci trouverait peut-être le moyen d’apaiser ma colère et de me venger ? ».
Jo avait souvent entendu parler de Philomène Joyeux. C’était une vieille femme un peu sorcière, un peu guérisseuse, un peu fée aussi, que les habitants de la région aimaient consulter dans les moments difficiles, lorsqu’ils étaient frappés d’un mal inexplicable, ou qu’ils désiraient une aide ou un conseil.
Philomène avait plus d’un tour dans son sac. Elle était si maligne et si pleine de sagesse qu’elle trouvait toujours une solution aux difficultés de chacun. Sa réputation était telle qu’on venait la voir des régions voisines et même, parfois, de pays lointains situés au-delà des mers.
Un peu d’ espoir revint dans le cœur de Jo.
Il prit sa canne et partit aussitôt, entrant dans la forêt profonde où Philomène vivait à l’écart du monde. Tout au long du chemin il fut accompagné par le gai sifflement d’un pinson qui le suivait fidèlement en voletant d’arbre en arbre ; il y vit un bon présage. Après trois heures de route par des chemins boueux et creusés de profondes ornières, il arriva enfin chez Philomène qui habitait une maison basse aux volets bleus et au toit de chaume, une maison qui était si basse et si petite qu’on eût dit du logis d’une lilliputienne.
Philomène Joyeux épluchait des légumes sur le pas de sa porte lorsqu’il atteignit la barrière du jardin ; elle était assise sur un billot.
– Bonjour charpentier ! dit-elle, en apercevant Jo. Que t’arrive-t-il donc pour que tu daignes t’aventurer jusqu’ici ?
– Oh Philomène, j’ai besoin de ton aide, je suis si désespéré ! s’écria Jo.
Et sans tarder il raconta en détails tout ce qui lui était arrivé : sa promenade sur la grève ; la découverte du caillou d’argent ; la bouche rose ; ses désirs exaucés, et ce maudit génie qui s’était moqué de lui, l’avait battu et rendu si malheureux.
Philomène écouta attentivement toute l’histoire, souriant parfois d’un air entendu, montrant ainsi qu’elle n’était point étonnée par ce que le charpentier lui racontait.
– Te voilà donc frappé, toi aussi, de la maladie du désir mon pauvre Jo… soupira Philomène.
Jo baissa la tête. Il tournait et retournait son béret dans les mains, comme un écolier que son maître aurait pris en faute, et roulait de gros yeux effarés.
– Et cette maladie-là, je pourrais en guérir ? implora-t-il.
– Tout dépend de toi, mon ami. Un vieil homme comme toi aurait dû savoir qu’on écoute pas impunément les esprits malins, même lorsqu’ils imitent la voix flûtée d’un enfant !
– Je veux me venger de ce maudit génie ! dit Jo, qui paraissait soudain très furieux.
– Te venger ? répéta Philomène. Ne crois-tu pas que tu exagères. Après tout, ton méchant génie n’a-t-il pas exaucé tous tes vœux ?
– Tous, sauf un, et celui auquel je tenais le plus…, gémit le charpentier.
– Ne t’a-t-elle pas expliqué, cette délicieuse bouche, qu’elle ne pouvait le combler, ce désir ? Aucun génie, si puissant soit-il, ne saurait ressusciter un mort.
– Je ne te crois pas ! cria Jo, en colère.
– Comme tu es naïf, charpentier : sache que cette vilaine bouche ne t’a guère menti.
Et disant cela d’un ton qui n’admettait pas de réplique, Philomène Joyeux prit dans ses mains calleuses de vieille paysanne la tête du charpentier et le fixa droit dans les yeux.
Des larmes coulèrent sur les joues de Jo. Ils restèrent ainsi, face à face, silencieux, un long moment. Il comprit d’un coup que son désir de retrouver Agathe était vain. Il lui fallait se résigner, accepter son veuvage, et réapprendre à vivre sans le secours du génie et de sa formule magique.
Philomène, qui était bonne et compatissante, voulut cependant consoler notre ami.
– Hélas, dit-elle, il est impossible que ton Agathe revienne à tes côtés, mais une chose au moins est à faire : mettre ce génie malfaisant, et bien trop futé pour toi, hors d’état de recommencer ses fredaines !
– Tu ferais cela ? dit Jo d’un ton implorant.
– Non, mais toi tu le feras ; en suivant mes conseils.
– Que me faudra t-il faire ?
– Il te faudra d’abord sortir de chez toi cette nuit !
Ce disant, Philomène Joyeux sourit malicieusement, et ce sourire la rendait presque jolie.
– Approche, approche ici ton oreille, chuchota-t-elle, le vent lui aussi, vois-tu, a des oreilles, et le vent est le plus sûr allié des génies, il ne doit surtout pas nous entendre…
Philomène conta alors par le menu ce qu’il devrait faire la nuit prochaine. Au fur et à mesure qu’elle parlait, le visage de Jo s’éclaira, et lorsqu’elle eut terminé, notre ami ne put s’empêcher de sauter au cou de Philomène et de lui plaquer sur la joue un baiser si sonore que tous les oiseaux du voisinage s’enfuirent, effrayés, dans un grand frou-frou d’ailes !
– Ne me remercie pas, charpentier, dit Philomène, tu n’as pas encore gagné la partie !
Là-dessus, ils se quittèrent et Jo rentra chez lui.
Cette nuit-là, comme prévu, Jo sortit de chez lui après que minuit eut sonné au clocher du bourg. La nuit était d’encre et seuls quelques rayons de lune, entre deux nuages, éclairaient son chemin en direction de la plage.
Il tenait dans sa main une lampe torche qu’il n’alluma que lorsqu’il eut franchi les dunes, de sorte que personne ne pouvait plus le voir. Guidé par la lampe, il se dirigea sans hésiter vers l’endroit où gisait le caillou d’argent. Philomène lui avait confié que le génie y passait la nuit, dormant dans la flaque d’un sommeil de plomb.
Parvenu à quelques mètres seulement du caillou, Jo éteignit sa lampe. Il ne fallait pas, surtout, que le génie puisse deviner sa présence. Jo se déchaussa ; puis, il retroussa son pantalon jusqu’aux genoux afin de ne pas le mouiller. Ensuite, il s’approcha lentement de la flaque où le génie était censé dormir.
Lorsqu’il ne fut plus qu’à un mètre de la flaque, il tendit l’oreille. Retenant son propre souffle, il perçut distinctement le bruit régulier d’une respiration : quelqu’un était là, qui dormait. Nul doute qu’il s’agissait du génie. Philomène, cette fois encore, avait eu raison. Quoique n’ayant rien d’humain, le génie était obligé de dormir chaque nuit, comme un vulgaire mortel.
Jo l’écoutait respirer. Et s’il n’avait pas subi l’épreuve qu’il venait d’affronter récemment, il se serait encore laisser attendrir par l’angélique murmure de ce souff1e d’enfant. Mais le génie n’avait que les traits et la voix d’un enfant ; en vérité, c’était le diable en personne, et il fallait vite s’en débarrasser.
Comme le lui avait ordonné Philomène, Jo prononça donc les mots magiques :
« Caillou blanc, caillou d’argent
Vive la vie, foin des tourments
Comble, bouche rose, tous mes désirs brûlants ! ».
Ce faisant, il cria dans la nuit : « Retourne d’où tu viens, maudite bête ! ». Puis, bandant ses muscles, il renversa le caillou. De l’eau gicla sur ses jambes, mais le caillou avait repris sa place, recouvrant la flaque de toute sa masse argentée. « Te voilà pris au piège ! » s’exclama Jo.
On entendit alors la voix d’enfant implorer dans la nuit, tandis que le caillou tremblait sur ses bases comme si on eut souhaité le soulever par en dessous.
– J’étouffe ! j’ étouffe ! Aie pitié de moi charpentier ! Soulève vite ce caillou qui m’écrase !
– Va au diable ! répondit Jo, tu ne nuiras plus à personne ! Et il s’assit sur le caillou qui cessa de trembler.
Il y eut un long silence. Jo demeura assis sur le caillou, sans bouger. La voix pleura doucement, reniflant, gémissant, soupirant parfois. Et ces pleurs étaient si tristes, si pathétiques, si plein de vérité que Jo crut qu’il allait défaillir ; il sentit sa volonté le quitter. Il se releva, ne pouvant plus supporter d’entendre ces pleurs d’enfant qui exprimaient une si grande souffrance, un si grand désarroi. Ses mains agrippèrent le caillou.
Il s’apprêtait à libérer le génie de sa prison lorsqu’il se souvint des dernières paroles de Philomène Joyeux :
« N’oublie surtout pas, Jo, que le génie est bien plus rusé que toi ; et qu’il n’hésitera pas à employer n’importe quel moyen pour parvenir à ses fins ! ».
Concevant alors son erreur, Jo se redressa et recula d’un bond, comme si le caillou le brûlait. Le cœur battant, il attendit.
Les pleurs continuèrent longtemps encore.
Jo, assis sur le caillou d’argent, ne bougeait pas.
Puis, soudain, sans que rien ne l’annonçât, un terrible orage éclata sur la grève et dans tout le pays. Le ciel se couvrit d’éclairs. On y voyait comme en plein jour. Le tonnerre se déchaîna. La pluie, battante, se mit à tomber.
Jo, épouvanté, pieds nus, se mit à courir. Et ce n’est que lorsqu’il franchit la porte de sa maison qu’il consentit enfin à reprendre haleine.
L’orage dura toute la nuit. La mer était en furie ; le vent soufflait. Jo, terrorisé, chercha refuge dans son lit. Il ne put dormir et claqua des dents jusqu’au petit matin.
Enfin, le jour se leva.
Aussi vite qu’il s’était déclaré, l’orage disparut. De mémoire de saint-galoubien, jamais personne n’avait connu pareil ouragan !
Ce ne fut que bien plus tard dans la matinée que notre brave charpentier, luttant contre la peur, déboucha de sous les couvertures et quitta son lit. Lorsqu’il voulut savoir l’heure qu’il pouvait être, il tourna machinalement les yeux vers l’horloge au balancier de cuivre ; il vit que le balancier, à nouveau, s’était arrêté. Jetant alors un regard furtif dans la cour, il constata que la vieille 2 CV grise avait repris sa place. Il poussa un grand cri de triomphe : le génie était vaincu. Il sut que la vie allait reprendre comme avant, et il comprit qu’il était sauvé.
Quel beau et palpitant conte ! Voilà que j’ai tout laissé pour en connaître la fin. Mais que c’est triste une vie sans désir , c’est comme un volcan éteint…
Vous avez bien fait de venir sue la RDL. Ce conte m’aurait manqué. Je ne savais pas que j’avais désir de lui… Le génie ?
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La Haine de l’Amour
Tu sais, si seulement les gens comprenaient que c’est dans le lit de nos préjugés que la haine fornique avec nos vieux démons. C’est dans les ténèbres de nos envies que la volonté de dominer fait de nos passions un poison pour l’humanité. Regarde ces sourires hypocrites et mesquins, admire ces doubles faces qui compatissent pour ta condition de réfugié. Ta souffrance et ta misère fais d’eux les justiciers des temps modernes. Vois ces plumitifs qui se nourrissent de ta douleur viscérale pour accoucher d’une littérature opportuniste.
Je veux parler d’amour alors que tout m’incite à la guerre et à la violence. Ils attisent les braises de l’enfer terrestre alors qu’ils oublient qu’ils sont sur le même bateau. Ils ne comprennent pas que c’est dans la prière que je m’apaise et que je tente de domestiquer les fougues de mes passions égoïstes. Ils ne peuvent saisir le sens de mes intentions car ils sont trop orgueilleux pour écouter la voix de cet étranger de l’agora. Ecoutes mes vagissements dénonçant la marche du siècle, c’est par la verve de ma plume que je décide de témoigner contre les supputations de ces corrompus qui ont vendu leur âme au diable pour une jouissance éphémère. Leur dévouement pour ma cause est à la hauteur de leur statistique de vente dans les maisons d’éditions. C’est comme si ils tiraient leur existence de ma condition d’opprimé dans les abîmes de la barbarie humaine. On édifie les mures de la honte sans que cela n’ébranle les amoureux de la liberté et de la justice. Ont-ils tous choisi le camp de mes bourreaux malgré ses injustices limpides ? N’y a-t-il plus de martyre de la liberté, des Che Guevara contre l’impérialisme et les tyrannies despotiques,…
Entends ces échos de détresse arrivant par flot ininterrompu qui se fracassent contre ces rochers de l’indifférence. Que ces inhumains sachent que si ils ont le présent pour eux, nous avons le futur pour nous. Qu’ils prennent consciences que les brumes matinales finissent toujours par se dissiper pour laisser place à la clairvoyance vespérale de l’esprit. Sache que la raison finie toujours par dominer les émotions nées de ces instants enflammés par ces pyromanes qui prisent les passions à fleur de peau. Quelle tristesse que de voir ces héritiers des Lumières se comporter en de simples illuminés assoiffés de notoriété et en quête de médiatisation.
C’est dans les épreuves et les tourments de ma vie que j’ai forgé ma quintessence si singulière. Tout est fait pour me distraire de ces tragédies théâtrales où la dignité humaine se mesure à géométrie variable. Où les faibles sont exploités et exécutés sur les autels de l’indifférence et de l’amnésie collective. Ces ignorants de l’âme humaine oublient qu’il y a une limite à ne pas franchir si l’on ne veut pas que l’instinct primaire engendre le chaos. Si seulement ces béotiens altiers pouvaient goûter et apprécier le nectar nourricier qui découle de la composition florale des esprits et de l’étreinte des cœurs ouverts. C’est là que nous pourrions commencer à espérer d’un avenir meilleur. N’ont-ils rien d’autre à proposer que l’étendage de leur souffle puéril et immonde à la hauteur de leur bassesse intellectuelle. C’est dans la pénombre que ces âmes avides de confrontation et de sang, que ces débauchés, se font primer pour leur excès de déblatération vis-à-vis du sacrée.
Chaque jour est un calvaire pour celui qui se force de croire en la bonté de l’homme tant les dérives individuelles et collectives forment des chaînes de montage abrupte et hostile. Ils ont fait de ma couleur une souillure, de mes origines une blessure et de ma religion une bombe à retardement. Ils cherchent à nous acculer dans nos retranchements par leurs invectives nauséabondes. Ils oublient seulement que ma couleur leur permet de s’identifier, que mes origines les renvois à leur propre identité et que ma religion les interpelle sur leur propre croyance et que pardessus tout elle n’est que paix, amour et tolérance. Pauvre d’esprit celui qui refuse de me voir comme la thèse ou l’antithèse du reflet de sa propre existence dans le miroir de la vie.
N’est il pas temps que les hommes comprennent que les fleuves de sangs n’ont jamais nourri et grandi l’humanité. Pourquoi tant de haine alors que l’on est en déficit d’amour et de paix. Pourquoi semer le vent de la discorde et exciter les passions aveugles dont nulle ne sait contenir la sauvagerie qui peut en découler. Les jarres de l’amour sont telles vides de sens, les oasis de la bonté et de la générosité ne sont elles que des mirages dans l’esprit de ces intellectuelles cupides et obsédés par la précellence de leur ego.
La raison et le cœur ne feront qu’un lorsque la sincérité de nos actes feront corps avec la sincérité de nos âmes, alors nous arriverons peut-être à comprendre le verset d’Allah stipulant : « je ne change l’état d’un peuple que si ce dernier change ce qu’il a en lui-même… » .Où sont les hommes doués de lucidité et de pragmatisme qui savent défendre la justice malgré leur appartenance politique, ethnique, religieuse ou sociale.
R.A
http://laparoledujeunemusulman.blogspot.com/
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j’ai beaucoup apprécié
ce conte m’a bien plu bravo
continue comme çà
jean-louis
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