La télévision ne devrait pas servir les éditeurs, les aider à promouvoir leurs livres pour mieux les vendre ensuite. Ce calcul purement marchand, s’il peut se comprendre à courte vue, n’est décidément pas le bon.
D’où il résulte qu’une émission littéraire devrait être indépendante et intransigeante.
Le livre – l’amour des livres – que nous partageons tous, espérons-le, vaut mieux qu’un insipide et copieux bavardage, fût-il le fait de brillants auteurs, vous ne croyez pas ?
Si Apostrophes a eu tant de succès, c’est bien parce que de tels moments, forts en émotion, – trop rares à nos yeux – ont existé ; rappelons, à cet égard, les épisodes « Bukowski », « Nabokov », etc. (Voir notre article du 2 juillet dernier).
De bonnes images supposent, aussi, de la musique. Pourquoi pas en introduire dans les émissions littéraires ?
Bref, une émission littéraire devrait être, selon nous, une émission de création culturelle.
En effet, selon nous, la télévision, c’est avant tout de l’émotion, et ce sont d’abord des images et non des mots.
Et de préférence des images scénarisées, qui nous racontent une histoire. La « bonne télé », celle que l’on regarde et qui génère de l’audience, tous publics confondus, c’est d’abord de l’émotion, et donc, de la fiction…
Ce n’est pas pour rien qu’en dehors du sport, où la force des images et l’émotion qu’elles dégagent sont inhérentes au spectacle qu’il offre, ce qui plaît le plus ce sont les films, les séries, les feuilletons, etc. Et, ce qui est valable pour les émissions les plus populaires, l’est aussi pour celles qui le sont le moins, en l’occurrence les émissions littéraires…
Or, ce à quoi se résume, pratiquement chaque fois, les émissions littéraires dont nous parlons, c’est, répétons-le, un bavardage univoque et complice autour d’une table. En quoi, je vous le demande, un tel « scénario » peut-il remplacer de bonnes images, chargées d’émotion, et d’un sens ?
Quels pourraient être les critères d’une bonne image télé ? Ces critères relèvent de l’évidence ; or, les vérités d’évidence sont celles que l’on oublie le plus facilement ! Donc, rappelons, en premier lieu, que ces images ne sauraient être ni conventionnelles ni consensuelles. Elles doivent provoquer, choquer, exciter, et donc jouer de ressorts psychologiques (suspense, peur, humour, rire, etc.).
Ces images devraient être honnêtes et loyales ; ce qui suppose que les émotions ressenties, lorsqu’il ne s’agit pas de fiction bien entendu, soient bien réelles et non artificielles (n’importe quel benêt sait faire grosso modo la part des choses entre le vrai et le faux lorsqu’il s’agit d’émotions) ; ce qui implique également que la part de fiction et la part d’information que ces images comportent doivent pouvoir être distinguées, spontanément, par celui qui les regarde.
De bonnes images sont conçues également pour toucher et séduire ceux qui les regardent, et non pour valoriser, sauf cas exceptionnel, ceux qui en sont, en quelque sorte, les acteurs. La formule de l’émission Ça balance à Paris, sur Paris première, de ce point de vue, nous semble être dans la bonne voie : ce sont des critiques qui parlent des livres, non leurs auteurs ; et ils n’hésitent pas à se contredire mutuellement !
Il ne vous aura pas échappé, soit dit en passant, que cette formule est inspirée de l’excellente émission radio Le Masque et la plume (de France Inter), animée chaque dimanche soir avec un humour pince-sans-rire et une sérénité à toute épreuve par Jérôme Garcin.
Pourquoi pas imaginer également que des acteurs viennent improviser un » petit bout de théâtre » à partir de tel ou tel scène d’un roman qu’il s’agit, par ailleurs, de critiquer dans le cadre de l’émission ? Beaucoup de jeunes des écoles de théâtre seraient heureux de participer et de se faire connaître par ce biais.
Pourquoi pas imaginer que des acteurs, éventuellement les mêmes, ponctuent l’émission par la lecture d’un poème (qui pourrait être en rapport avec le thème de l’émission). Une minute par çi, une minute par là de poésie : est-ce trop demander ? Ce serait plus attrayant que de se contenter de changer de fauteuil, non ?
Pourquoi également ne ferait-on pas confiance à la jeunesse pour donner son avis sur les livres, en invitant lycéens et étudiants sur le plateau ? Trop cher ? Vous voulez rire !
Et, – et nous terminerons là-dessus – pourquoi pas imaginer aussi que l’imagination, justement, prenne un peu plus le pouvoir à la télévision ? L’imagination dites-vous ? mais vous rêvez mon cher monsieur !
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