Lettre ouverte à Barack Obama : good luck mister President !

Monsieur le Président des Etats-Unis,

Je vous écris cette lettre de notre douce France, le pays des fauteuils Voltaire.
La France, Monsieur le Président, c’est un petit bateau léger et fragile, pas plus grand qu’une allumette, une périssoire en quelque sorte. Laquelle se trouve à quai depuis belle lurette, mais se croit toujours au large, et se considère toujours comme une belle et fière goélette.
C’est ainsi depuis fort longtemps, depuis que notre grand illusionniste national s’est éteint ; je veux parler de Charles de Gaulle. Il est donc fort probable que vous allez devoir composer ; car nul doute que notre petit Nicolas, actuel locataire de l’Elysée, comme on aime à l’écrire dans les journaux avides de bons mots, – ça le gratte aussi, le démon de la magie.
Ma lettre vous parviendra, j’en suis persuadé. Et, comme le veut la chanson, cette lettre, vous la lirez peut-être si vous avez le temps… Ou plutôt : vous la lirez certainement, si vous en prenez le temps.
En France, nous avons un proverbe que vous devez connaître : « A cœur vaillant rien d’impossible ». Vous, vous diriez plutôt : « Yes we can ! ». C’est moins littéraire, et plus lapidaire ; en somme c’est américain, mais ça signifie la même chose, non ?
Je voulais simplement vous souhaiter bonne chance, monsieur le Président.
Chez nous, souhaiter bonne chance à quelqu’un, à coup sûr lui portera malheur. Aussi, on lui dédie plutôt le mot de Cambronne. Vous ne connaissez pas le mot de Cambronne ? Eh bien, sachez que c’est un juron bien senti, comme tout juron qui se respecte. Un juron qui, pour l’essentiel, équivaut à un « non ». Mais un vrai, – tranchant, et sans remède ; un non décisif, qui peut parfois vous mener jusqu’à la mort.
Peu d’hommes, vous en conviendrez, sont capables d’un tel « non ». Je vous souhaite de pouvoir le dire, le cas échéant. Je vous souhaite surtout de n’avoir jamais à prononcer ce « non », ni pour vous ni pour votre peuple, ni pour tout autre peuple que vous auriez à cœur de défendre également.
Or donc, puisque chez vous « Bonne chance » peut se dire : « Good luck mister President ! ». Du fond du cœur.

Il y a quelques jours, je vous ai vu en pleurs. Le monde entier vous a vu pleurer monsieur le Président, lorsque vous avez appris que votre grand-mère venait de mourir. Vous étiez très digne ; et aussi très beau. Et d’ailleurs, vous êtes toujours très beau, voilà au moins, par ces temps difficiles, une certitude qui nous enchante.
Je me demande comment vous faites pour être toujours très beau, de corps et d’esprit. J’aimerais bien que vous me donniez la recette de votre beauté. Le sport, pas de tabac, peu ou pas d’alcool, le goût de la réflexion, le sens de la mesure, la méditation, le détachement et l’humour peut-être, la concentration, c’est bien ça, n’est-ce pas ?
Et puis, lorsque vous avez su que vous veniez de remporter la victoire, et que le peuple américain, à travers le vote de ses grands électeurs, vous avait choisi pour être son quarante-quatrième président, j’ai vu la joie – quelle joie superbe, monsieur le Président ! – éclater sur votre visage. Comme vous étiez radieux ce jour-là : mon Dieu, un vrai président Soleil !
Vous arboriez un merveilleux sourire américain, d’une blancheur d’iceberg, avec toutes vos dents au grand complet, saines, et fortes, bien alignées, un peu comme… – veuillez, je vous prie, me pardonner cette macabre image – comme toutes ces petites croix blanches, noyées dans la verdure, ces petites croix américaines dans les cimetières de France.
Monsieur le Président, on dit que Salinger serait devenu fou, fou de souffrance, après avoir participé au débarquement des forces alliées sur les côtes normandes, et combattu, en juin 1944. Le grand Salinger… l’un des plus grands écrivains de votre très grand pays.
Monsieur le Président, je vous en supplie, avant que de succomber à la tentation d’entamer quelque guerre injuste, comme elles le sont toutes – ayez-les bien en tête –  ces croix innombrables, dans les cimetières des lendemains de guerre. Et réfléchissez longtemps avant d’agir ; on dit que vous êtes doué pour cela.
Monsieur le Président, vous avez choisi de nous montrer vos larmes, sans honte ; et sans crainte, vous n’avez pas cherché à cacher votre joie. Vous êtes le premier homme d’Etat, je crois, à avoir eu cette audace. Il est probable que vous êtes un pur, sans être pour autant un naïf. C’est peut-être une force ; je l’espère pour vous.
Certains prétendent que vous seriez capable, aussi, de cynisme ? Si vous me permettez une suggestion : fuyez le cynisme comme la peste ! Ce n’est, somme toute, que le refuge des perdants dépassés par la vie.
En France, nous aimons les écrivains, et nous en avons beaucoup ; tous, certes, n’ont pas un fauteuil à leur nom. Parmi eux, il y a un dénommé Chamfort ; peut-être le connaissez-vous déjà ? Chamfort vécut au siècle des Lumières ; il écrivit de nombreuses maximes, alors qu’il attendait la mort, au fond d’un cachot, avec la certitude qu’elle lui serait donnée. Pour vous, monsieur le Président, j’ai choisi cette maxime de Chamfort : « Il faut que le cœur se brise ou se bronze ».
Mon cœur, à moi, monsieur le Président, je vous l’avoue, est bien tendre. J’espère que le vôtre est déjà endurci, car je crois hélas que, là où vous êtes désormais, il faudra, en effet, que « votre cœur se bronze » tout à fait…
Le paradis, c’était hier, jour de votre victoire. Aujourd’hui, vous voici au purgatoire pour quatre ans. Et, de temps à autre, trop souvent à votre gré, vous ferez de petites incursions en enfer. A moins que, vu la gravité de la situation – la crise de ceci ou de cela, la guerre ici, ou là, que sais-je encore ? – ce ne soit l’enfer permanent !
Profitez bien, à vos heures de répit, de la magnifique roseraie qu’il y a dans votre Maison blanche, monsieur le Président. Respirez le parfum des roses ; il effacera vos doutes et chassera vos peurs, allégera votre fardeau, soulagera vos peines et exorcisera les démons, – ceux qui ne manqueront pas de se manifester, tout autour de vous ; et peut-être aussi les vôtres… C’est la grâce que je vous souhaite.
Enfin, monsieur le Président, il vous faudra bien entendu lutter sans trêve contre la violence et la haine, sous toutes ses formes ; mais n’oubliez pas non plus l’inertie, cette insidieuse ; car l’inertie est peut-être la plus terrible des forces. Qui sait, d’ailleurs, si ce n’est pas elle qui mène vraiment le monde ?
Derechef : « Good luck mister President ! ». Que Dieu vous garde. Il le fera si vous y croyez. Et rappelez-vous : « À cœur vaillant rien d’impossible » …

Votre bien dévoué.

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