Raymond Queneau : cent mille milliards de poèmes

Ils se trompent, et lourdement encore, tous ceux qui affirment que le Nouveau Roman serait l’événement littéraire français le plus emblématique de ces cinquante dernières années. Oui, ce n’est pas le Nouveau Roman ; non, c’est l’Oulipo !
Cette moisson de littérature singulière, ludique, fantaisiste, émouvante – écrite sous la contrainte, celle que l’auteur s’impose –, caractéristique de l’Oulipo, est riche, nous le savons bien. Cela va, entre autres remarquables ouvrages, de Exercices de style de Raymond Queneau, à La Vie, mode d’emploi de Georges Perec.
Le saviez-vous ? Cent mille milliards de poèmes serait l’ouvrage en quelque sorte « fondateur » de l’Oulipo. La contrainte que, pour l’essentiel, Raymond Queneau s’était imposé en composant cet ouvrage, était donc celle-ci : rédiger dix sonnets dont les vers pourraient se combiner entre eux, et donner ainsi naissance à de nouveaux sonnets.
Ce matin-là, au sein de l’Atelier d’écriture auquel j’ai le plaisir, et la joie, de participer, il s’agissait justement de Cent mille milliards de poèmes, de Raymond Queneau…
La consigne, qui faisait office de contrainte, était donc celle-ci : « rédiger, en un temps limité, autant de vers isolés qu’il vous sera possible, dont on suppose que la combinaison pourrait, avec indulgence, former quelque(s) poème(s) en vers libre, à défaut d’être un(des) sonnet(s) » …
Voici notre humble moisson – la mienne s’entend –  comme une forme d’hommage posthume à l’auteur des Cent mille milliards de poèmes, signant aussi notre admiration :

La soupe est bonne à celui qui sait attendre qu’elle tiédisse.

Je suis pas venu j’ai rien vu j’ai rien compris j’ai rien vaincu j’ai pas aimé personne et d’ailleurs tout m’énerve.

Un ferry noir avançait lentement dans la nuit sombre, immense et blanc comme un iceberg.

En ce temps-là une souris blonde me collait à la peau comme un chewing-gum amérindien.

La cheminée crasseuse de la loco à mots crachait sa plèvre dans la fraîcheur du soir.

La jeunesse est un prurit : si tu grattes, tu vieillis sec.

Les homos les hétéros sapiens les bêtasses les pompiers pompeux les galères les curés à bébé.

Dans sa tête enfiévrée un sirocco brûlant faisait des étincelles d’or, à la gueule de la nuit crachait des gravillons de lune.

Un tien vaut mieux que deux tétons tulle Oron ! Si tes létus naissent mes fétus Noron !

Le carrosse de la Marquise chaude des démons fut pris d’assaut par des cerfs-volants dont la queue flottait au vent des ficelles.

Le brame du cerf montait dans l’air pur des sous-bois comme un pet anisé.

Dans les lointains, on entendait la meute des hyènes affamées.

Hier aujourd’hui demain ; la vie l’amour la mort ; abaissez dés eux elfes ; trou du nu sans zef.

Va donc, poème, je ne te hais point.

2 commentaires sur “Raymond Queneau : cent mille milliards de poèmes

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  1. j’ai écrit avec cent mille milliards de poèmes
    mais là tonnerre de Brest oblige
    ce petit lougre de l’océan
    pour Joël Bécam

    CE LOUGRE DE QUENEAU

    Où donc va le ru tranquille*

    Se demandait Queneau

    Il répondait en géographe:

    Rivière fleuve mer

    Qu’il distinguait de l’océan

    Où donc va? Où va donc?

    Il insistait le bougre

    Et c’étaient alors réponses plus

    Salées ou rutilantes:

    Exaltation en ru géant

    Ou crachats de phtisiques

    Allant rejoindre avec les balayures

    Les ports et le grand large

    L’arche où le poète retrouvait son havre:

    Alphabets et marées incurvant sa grammaire

    Jolis mots qui roulaient comme pierres

    Pour monter sur ce lougre

    Qui continue d’voguer…

    J’aime

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