Le roi Arthur, le voile de mâyâ, l’Italien Souabe, le cri du triomphateur…

Lu dans : Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et représentation I, pages 700 et s., collection folio essais, Gallimard, 2009.

« Il connaît le tout, en conçoit l’essence, et le voit pris dans un écoulement perpétuel, dans des désirs vains, dans un conflit interne, dans une constante souffrance ; aussi loin que porte son regard il ne voit que l’humanité souffrante, l’animalité souffrante et un monde qui passe. Or, tout cela lui est désormais aussi proche que pour l’égoïste sa propre personne. Avec une telle connaissance du monde comment pourrait-il maintenant affirmer cette vie par des actes de volonté continuels, et par la même s’y attacher de plus en plus fermement, l’étreindre avec de plus en plus de vigueur ?

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–  S’il nous arrive parfois, à nous autres qui sommes encore enveloppés dans le voile de mâyâ, de nous rapprocher de cette connaissance de la vanité et de l’amertume de la vie, lorsque nos propres souffrances nous pèsent, ou lorsque celles d’autrui nous frappent vivement, et que nous souhaitons, par la décision d’un renoncement total et définitif, briser l’aiguillon de nos désirs, fermer l’accès à toute souffrance, nous purifier, nous sanctifier, bientôt l’illusion du phénomène nous obnubile de nouveau, et une fois de plus ses motifs remettent la volonté en branle : nous ne parvenons pas à nous en arracher.  Les séductions de l’espoir, les flatteries du présent, la douceur des plaisirs, le bien-être qui échoit à notre personne, au milieu de la désolation d’un monde qui souffre, sous l’empire du hasard et de l’erreur, nous replongent dans cette illusion, et nous y attachent de nouveau. »

Lu dansItalo Svevo, La conscience de Zeno, Le livre de poche, n° 3308, page 447.

« La loi de la nature ne nous accorde pas le droit au bonheur, elle prescrit au contraire misère et souffrance. Quand on expose de la nourriture, les parasites s’y ruent de tous côtés et s’ils ne sont pas assez nombreux, ils se hâtent de se multiplier. Bientôt la proie suffit à peine et très vite elle ne suffit plus car la nature ne fait pas des calculs mais des expériences. Quand la proie ne suffit plus, les consommateurs diminuent grâce à la mort que précède la souffrance, et c’est ainsi que se rétablit l’équilibre pendant quelque temps. A quoi bon geindre ? Et pourtant tout le monde geint. Ceux qui n’ont pu toucher à la proie meurent en criant à l’injustice et ceux qui ont pris leur part du festin estiment qu’ils avaient droit à une plus grande portion. Pourquoi ne meurent-ils pas et ne vivent-ils pas en silence ? En revanche, la jubilation de ceux qui ont su s’adjuger une portion très copieuse de nourriture n’est pas choquante. Qu’elle se manifeste donc en pleine lumière au milieu des ovations. Le seul cri admissible est le cri du triomphateur. »

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