Arthur Schopenhauer : Le monde comme volonté et représentation

Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et représentation, tomes I et II, 2350 pages, collection folio essais, Gallimard, 2009, traduit de l’allemand par Christian Sommer, Vincent Stanek et Marianne Dautrey

C’est si vrai, c’en est devenu un lieu commun : les écrivains, singulièrement les romanciers, sont des menteurs, habiles pour les meilleurs d’entre eux ; quant aux mensonges contenus dans leurs romans, ils émeuvent bien plus – s’ils ne valent guère mieux  – que n’importe laquelle des vérités philosophiques. Ce n’est pas, à mes yeux, une raison suffisante pour s’abstenir de lire de la philosophie. Et si, pour vous comme pour moi, lire de la philosophie suppose que vous fassiez un effort supplémentaire – qui se doit d’être assorti d’une solide récompense – alors lisons d’abord les grands ! (1) et pourquoi pas Le monde comme volonté et représentation, le grand œuvre d’Arthur Schopenhauer, dans sa toute nouvelle traduction parue récemment en folio essais ? On dira bien sûr, c’est plus commode, avec les érudits ou les pédants, le « Monde », comme on dit la « Recherche » à propos de l’œuvre de Proust… (2).

Avant de me lancer dans cette longue lecture, à la fois plaisante et ingrate, qui va me prendre plusieurs mois (3), que savais-je de lui au juste ? pas grand-chose si ce n’est qu’il avait été une sorte de mentor pour Frédéric Nietzsche ; qu’il était surnommé un peu partout, sans autre précision, le « pessimiste de Francfort » ; qu’il avait dû attendre longtemps avant que ses travaux ne soient acceptés et reconnus (ils ne le seront que vers la fin de sa vie…) ; enfin, que ceux-ci exercèrent une forte influence sur beaucoup d’écrivains, de poètes et de philosophes, Borges notamment.

D’emblée, cette lecture se présente plutôt mal. En effet, Schopenhauer, pour être compris, exige de son lecteur (il l’écrit à maintes reprises) qu’il ait lu auparavant non seulement tous ses autres livres, mais aussi, et peut-être même surtout : Kant – qu’il porte au pinacle ; les stoïciens – qu’il résume à merveille ; Platon, Aristote, Hérodote, Cicéron – il est flagrant qu’il les a lus avec attention, et longuement médités ;  pourquoi pas Spinoza – qu’il tolère, bien plus qu’il ne l’approuve ; Hegel – qu’il déteste, critique violemment, et n’est pas loin de considérer comme un escroc ! sans compter les upanishads et le Véda hindou, dont on soupçonne qu’ils l’impressionnent, et dont, de ce fait, il semble vouloir malgré tout se tenir à distance. Liste non exhaustive !

Dès lors, une tentation se profile pour moi à chaque page, une petite voix intérieure (que chacun connaît) me susurre : lâche donc l’affaire, laisse tomber, remise les deux pavés folio sur l’étagère… Ou, en mode plus sournois, pathétique : et si je me contentais sans le dire à personne de lire, ici ou là, quelques bribes ? de picorer un peu ? juste ce qu’il faut pour donner le change, avoir l’air dans ces dîners en ville où tu ne vas jamais ? mais de quoi au juste ? l’air de celui qui sait sans avoir rien appris ? l’air du temps ?

Or, il se trouve que Schopenhauer, comme Montaigne, est aussi un écrivain. Soucieux, amoureux même probablement – il se pourrait qu’il n’en fût pas conscient –, du style tout autant que de la pensée.

Majestueuse, féroce, rien qu’à lui, joujou fétiche qu’il bichonne avec amour, la pensée d’Arthur Schopenhauer, c’est un monde ! un monde sensible, réfléchi, transparent, compréhensible, inépuisable ! Dieu sait qu’il le défend, son « Monde » à lui !

Il argumente, ergote, mégote parfois (4) ; il est, en réalité, acharné à convaincre, alors qu’il croit démontrer – mais les mots ont-ils jamais pu démontrer quelque chose ? les philosophes croient que oui, alors que les écrivains savent que non ; écrire c’est, d’abord, accepter de se tromper, ensuite, c’est aimer tromper autrui ! Quant à démontrer, n’est-ce pas plutôt un domaine réservé aux mathématiques ? Plus tard, on le sait, Wittgenstein mettra les mathématiques au cœur de son œuvre (5) ; quant à Nietzsche, il leur aura préféré la poésie… Depuis, il me semble à moi que la philosophie toute entière bat de l’aile,  et peine à se renouveler…

Schopenhauer a de l’aplomb, un noble caractère, un bel orgueil, qu’il s’efforce de tempérer ; ce forçat de la philosophie, c’est un forcené ! la raison, il la prend en otage !

Comme il a à cœur de montrer, pratiquement à chaque page, et c’est à peine si j’exagère, à quel point sa pensée se démarque de celle des autres ; plus profonde à n’en pas douter ; plus pensée, mieux pensée que celle de ses prédécesseurs ou ses contemporains, qu’il abhorre ou admire c’est selon, on l’a vu : 2350 pages ! Une vision forte, réfléchie, globale, savante ; le fruit d’une vie, une sacrée trace, une expédition, punitive parfois, un cri qui sonne encore ! un écho qui ira s’amplifiant, et va traverser deux siècles ; qui ne finira pas ?

Je vais être sensible à ce style ; je vais apprécier nombre d’éléments de cette pensée, en rejeter certains aussi, périmés, ou grotesques, d’autres me laisseront rêveur ou dubitatif ; mais ne comptez pas sur moi pour vous dire lesquels ; faites comme moi : lisez !

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(1) Voir nos précédents articles : Bientôt la rentrée littéraire ? Lisons les grands ! (8 mai 2008 ) ; La Critique « littéraire » ? Lisons les grands ! (15 mai 2008 )

(2) Voir la page Florilège proustien.

(3) Voir notre précédent article Arthur Schopenhauer, le pessimiste de Francfort, Marcel Proust, le grand asthmatique de Combray, Georges Perec, l’Oulipien

(4) La place accordée aux femmes dans sa réflexion, notamment, est réduite, mais comment aurait-il  pu en être autrement, puisque l’auteur est lui-même un homme, ayant vécu au dix-neuvième siècle ? ! Le fameux chapitre 44 du livre IV, intitulé Métaphysique de l’amour sexuel, ne fait que confirmer cette impression ; il s’agit ici exclusivement d’une analyse, fine, fouillée, contestable par de nombreux aspects, de la pulsion sexuelle. Il n’échappe à personne, aujourd’hui, que toute la philosophie occidentale, pendant  plusieurs siècles, pour l’essentiel, a été pensée, écrite, du seul point de vue de l’homme – masculin, singulier, adulte, responsable.

(5) A propos de Wittgenstein, avant de s’attaquer à l’oeuvre (« s’attaquer » est le mot qui convient !), on se reportera utilement, par exemple, à l’excellent article de Jean Laberge, ici.

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Florilège

Florilège : « Sélection de choses remarquables » me raconte un vieux dictionnaire (petit Larousse illustré 1983), le seul que j’ai sous la main, pour le moment ! Qui dit « sélection » dit « choix » bien entendu ; qui dit « choix » dit aussi, plus ou moins, « arbitraire » , cela ne devrait pas échapper au lecteur chagrin… mais préférons plutôt cette formule : le florilège est à l’oeuvre originale ce que les amuse-bouche sont au repas gastronomique, il ne dispense pas de se mettre à table, mais y invite !

Préface(s)

« Ce livre peut, comme bien d’autres, remplir un vide dans sa bibliothèque où, bien relié, il fera assurément bon effet. »,
Préface à la première édition, page 53

« Quiconque prend au sérieux et traite avec ce même sérieux une affaire qui ne conduit à aucun bénéfice matériel n’est pas autorisé à compter sur l’intérêt de ses contemporains. »,
Préface à la deuxième édition, page 56

« … une nature vulgaire est attirée par son semblable de sorte qu’elle préférera entendre de son semblable ce qu’un grand esprit a dit. »,
Préface à la deuxième édition, page 67

« Mais, enfin, en quoi ma méditation philosophique (…), – en quoi concerne-t-elle cette alma mater, cette bonne philosophie universitaire roborative qui, lestée de cent intentions et de mille précautions, se fraie prudemment son chemin et avance en louvoyant sans jamais perdre de vue la crainte de son maître, les volontés de son ministère, les dogmes de l’église locale, les désirs de son éditeur, les faveurs de ses étudiants, la bonne intelligence avec ses collègues, le cours de la politique au jour le jour, les inclinations temporaires de son public et mille autres choses encore ? »,

Préface à la deuxième édition, page 69

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Livre I, Le monde comme représentation, première considération…

« Le monde est ma représentation »
Livre I, Le monde comme représentation, page 77

« … ce qui existe n’existe jamais que pour un sujet. », page 80

« Ce monde qui est parfaitement réel, c’est-à-dire effectif, est donc en tant que tel toujours conditionné par l’entendement ; il n’est rien sans lui. », page 97

« … : nous avons des rêves ; est-ce que toute la vie ne serait pas une espèce de rêve ? – ou plus précisément : y a-t-il un critère certain pour départager le rêve et la réalité, les fantasmes des objets réels ? », page 99

« La raison est de nature féminine : elle ne peut donner qu’après avoir reçu. », page 160

« Le trait d’esprit se manifeste toujours nécessairement dans des paroles tandis que la bouffonnerie, le plus souvent, dans des actions, … », page 177

« La pédanterie participe elle aussi de la bouffonnerie. Elle procède d’un manque de confiance en notre propre entendement (…) », page 177

« Car l’éthique stoïcienne, à son origine et dans son essence, n’est absolument pas une doctrine de la vertu, elle n’est que l’indication de la voie d’une vie raisonnable dont le but et la fin sont le bonheur atteint par la quiétude de l’esprit. », page 223

« Ce n’est pas la pauvreté qui fait souffrir, mais la cupidité. », page 225

« … tout bonheur ne repose que sur la relation entre nos exigences et ce que nous obtenons : … », page 225

« … toute souffrance procède d’un déséquilibre entre ce que nous exigeons et attendons, et ce qui nous est échu, … », page 226

« Car toutes les fois qu’un homme d’une manière ou d’une autre se trouve déconcerté, tombe à terre sous les coups d’un malheur ou se met en colère ou encore faillit, il démontre précisément par là qu’il trouve les choses différentes de ce qu’il attendait, par suite qu’il s’était induit en erreur, qu’il ne connaissait ni la vie ni le monde et ne savait pas combien la nature, inanimée, par hasard, la nature animée, parce qu’elle a des buts opposés mais aussi par méchanceté, se met en travers de la volonté de chacun à chacun de ses pas : … », page 226

« … puisque, à l’instar du philosophe authentique, c’est-à-dire du philosophe théoricien qui transfère la vie dans le concept, le philosophe pratique transfère le concept dans la vie ; … », page 230 (italique de notre cru).

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Livre II, Le monde comme volonté, première considération…

« … la philosophie est un monstre à plusieurs têtes dont chacune parle une langue différente. »,
Livre II, Le monde comme volonté, page 236

« Je connais ma volonté non dans sa totalité, non comme une unité, je ne la connais pas entièrement dans son essence, je ne la connais que dans ses actes isolés, dans le temps donc, qui est la forme du phénomène de mon corps comme de tout objet : par conséquent, mon corps est une condition de la connaissance de ma volonté. », page 247

« … ces représentations, ces objets sont-ils encore quelque chose en plus et indépendamment du fait qu’ils sont des représentations et des objets du sujet ? Et que seraient-ils alors, dans ce sens ? Quelle est cette autre face qui est la leur et qui diffère toto genere de la représentation ? Qu’est-ce que la chose en soi ? – la VOLONTE, telle fut notre réponse, mais que j’écarte pour l’instant. », page 278

« … l’homme, quant à lui, doit être sondé et étudié entièrement, car la raison le rend capable d’un très haut degré de dissimulation. », page 341

« … ce n’est pas dans le vouloir mais dans le vouloir accompagné de la connaissance que réside la culpabilité. », page342

« Ainsi s’explique que tout homme aussi a constamment des buts et des motifs en fonction desquels il dirige son action et qu’il sait à tout moment rendre compte de ce qu’il fait. Mais si on lui demandait pourquoi il veut en général ou pourquoi il veut exister tout simplement, alors il ne saurait aucune réponse ; bien plus, la question lui semblerait incongrue. Or, c’est précisément dans cette réaction que s’exprimerait à proprement parler la conscience que lui-même n’est rien d’autre que la volonté dont le vouloir en général se comprend de lui-même et ne nécessite de détermination plus précise par des motifs que dans ses actes particuliers, pour chaque instant. », page 354

« … on peut s’estimer suffisamment heureux s’il reste encore quelque chose à souhaiter et à désirer, de sorte que le jeu continuel du passage du vœu à sa satisfaction et de sa satisfaction à un nouveau vœu, qui, s’il est rapide, s’appelle bonheur, s’il est lent, douleur, peut être entretenu et ne sombre pas dans cette paralysie qui s’avère ennui effroyable figeant toute vie, désir sourd dépourvu d’objet déterminé, languor mortel. », page 355

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Livre III, Le monde comme représentation, seconde considération…

« Or le vrai public des authentiques philosophes est tellement réduit que même les élèves susceptibles de les comprendre ne leur sont envoyés que très parcimonieusement par les siècles. », page 367

« … le sujet, dans la mesure où il connaît une Idée, n’est plus un individu. », page 371

« Dès que le connaître, le monde comme représentation, est supprimé, il ne subsiste rien d’autre que la simple volonté, la pulsion aveugle. », page 378

« Dans les figures multiples de la vie humaine et dans l’incessant changement des événements, il considérera que l’essentiel qui perdure se trouve dans l’Idée seule dans laquelle la volonté de vivre atteint son objectité la plus parfaite, dans cette Idée qui dévoile ses divers aspects par les propriétés, les passions, les erreurs et les privilèges de l’espèce humaine, par l’égoïsme, la haine, l’amour, la crainte, l’audace, l’imprudence, l’insensibilité, l’habileté, l’esprit, le génie, etc., lesquels, tous, convergeant et se coagulant en des milliers de personnages (individus), donnent continûment la petite et la grande histoire du monde, peu importe, finalement, s’ils sont motivés par des couronnes ou par des cacahuètes. », page 382

« Dans ce monde phénoménal, un gain véritable est tout aussi impossible qu’une perte véritable. La volonté seule existe : elle, la chose en soi, elle, la source de tous ces phénomènes. », page 383

« Alors que la faculté de connaissance de l’homme ordinaire est la lanterne qui éclaire son chemin, celle du génie est le soleil qui révèle le monde. », page 390

« Un homme prudent, pour autant et aussi longtemps qu’il l’est, ne sera pas génial, et un homme génial, pour autant et aussi longtemps qu’il l’est, ne sera pas prudent. », page 393

 » , la souffrance n’est qu’une pensée et réside donc dans la MEMOIRE : si un tel chagrin, un tel savoir ou souvenir douloureux, est atroce au point de devenir purement et simplement insupportable, au point que l’individu risque d’y passer, alors la nature ainsi angoissée recourt à la FOLIE comme à l’ultime moyen de sauver la vie : … « , page 399

 » L’absence de lumière nous rend immédiatement tristes, son retour nous réjouit ; les couleurs excitent directement un vif plaisir qui atteint un degré suprême lorsqu’elles sont transparentes. « , page 409

 » la lumière est le plus grand diamant sur la couronne de la beauté « , page 415

 » le véritable contraire du sublime est quelque chose qu’on n’identifierait pas comme tel spontanément : l’ATTRAYANT « , page 421

 » tout esprit éminent aux idées nombreuses s’exprimera toujours de la manière la plus naturelle, directe et simple, s’efforçant, si possible, de communiquer ses idées aux autres afin de réduire la solitude qu’il éprouve nécessairement dans ce monde. A l’inverse, la pauvreté d’esprit, le désordre, l’extravagance seront drapés dans les expressions les plus précieuses, les tournures les plus obscures, pour dissimuler par des phrases pénibles et pompeuses des idées insignifiantes, minuscules, prosaïques, ordinaires, … « , page 457

 » l’histoire des juifs, ce petit peuple d’usurpateurs, isolé, obstiné, hiérarchisé, c’est-à-dire gouverné par le délire ! « , page 461 (« ! » de notre cru) [L’un de nos lecteurs s’en étant ému, nous confirmons bien volontiers le sens que nous attribuons à ce point d’exclamation ajouté par nos soins lors de la mise en ligne initiale de l’article : il marque notre totale désapprobation avec les propos tenus ici par l’auteur. Et si nous avons jugé utile d’inclure ce court  extrait de la page 461 à ce Florilège, c’est à la seule fin d’illustrer le caractère grotesque de certains éléments de son discours]

 » il faut généralement considérer comme un grand malheur que le peuple dont la culture passée aura principalement servi de base à la nôtre ne fut pas celui des Indiens ou des Grecs ou même des Romains, mais précisément celui des Juifs ! « , page 461 (« ! » de notre cru) [Voir notre observation ci-dessus]

 » Car enfin qu’est-ce donc que la modestie, sinon cette humilité feinte par laquelle, dans un monde infesté d’envie rampante, on croit mendier le pardon pour des avantages et des mérites auprès de ceux qui n’en ont pas ? Car celui qui ne s’en arroge pas, parce qu’il en est réellement dépourvu, n’est pas modeste, mais honnête. « , page 465

 » tout homme abrite aussi un penchant à la vérité qu’il faut d’abord surmonter à chaque mensonge « , page 487

 » les plus grandes souffrances sont provoquées par un enchaînement dont notre destin pourrait revêtir les traits essentiels, et par des actes que nous serions peut-être capables de commettre nous aussi sans que nous puissions pour autant invoquer quelque injustice ; nous sentons alors, en frissonnant, que nous sommes déjà au coeur de l’enfer. « , page 499

 » l’art pourrait être appelé la fleur de la vie « , page 518

 » la souffrance, laquelle croît à mesure que croît la lucidité de la conscience « , page 519

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Livre IV, Le monde comme volonté, seconde considération…

 » Car ici, où il s’agit de la valeur ou de l’absence de valeur d’une existence, du salut ou de la damnation, ce ne sont pas les concepts exsangues de la philosophie qui sont décisifs, mais l’essence la plus intime de l’homme, « , page 524

  » Aucun homme n’a vécu dans le passé et aucun homme ne vivra jamais dans le futur, car le PRESENT seul est la forme de toute vie, tout comme il est sa propriété assurée dont jamais elle ne peut être privée. « , page 535

  » Celui donc qui est satisfait de la vie telle qu’elle est, qui l’affirme de toutes les façons, pourra avec confiance la considérer comme infinie et bannir la crainte de la mort comme une illusion inspirée par la crainte absurde qu’il pourrait un jour être privé du présent, et qui le fait croire à un temps sans présent. « , page 538

  » Ce que nous craignons dans la mort, ce n’est aucunement la douleur, car, d’une part, celle-ci se situe manifestement avant la mort, d’autre part, nous fuyons souvent la douleur pour nous précipiter dans la mort, tout comme, à l’inverse, nous assumons parfois la plus terrible des douleurs, afin d’échapper, fût-ce pour quelques instants encore, à la mort, alors qu’elle serait rapide et légère. « , page 543

 » chez l’homme, c’est la décision seule, mais non le simple souhait, qui est un signe valable de son caractère, pour lui-même et pour les autres. Or, la décision n’est attestée que par l’acte, pour lui-même et pour les autres « , page 571

 » lorsque l’esprit est sain, seuls les actes pèsent sur la conscience, et non les souhaits et les pensées. Car seuls nos actes nous tendent le miroir de notre volonté. « , page 572

 » un homme doit également savoir ce qu’il veut et savoir ce qu’il peut « , page 578

 » on supporte bien plus aisément d’envisager sa malchance que sa maladresse « , page 581

 » Aucun corps n’est sans affinité, c’est-à-dire sans désir, ou sans soif et sans convoitise « , page 586

 » après que l’homme eut transféré toutes les souffrances et tous les tourments dans l’Enfer, il ne restait précisément plus que l’ennui pour le Ciel. « , page 591

 » L’ennui fait en sorte que des êtres qui s’aiment aussi peu entre eux que les hommes n’en cherchent pas moins la compagnie ; il devient ainsi la source de la sociabilité. « , page 593

 » Le fléau perpétuel du peuple est le besoin, l’ennui est celui du monde aisé. « , page 593

 » Vouloir et obtenir : entre ces deux s’écoule absolument toute vie humaine. « , page 593

 » les grandes souffrances font qu’on ne sent absolument plus toutes les petites, et, à l’inverse, qu’en l’absence de grandes souffrances, même les désagréments les plus minuscules nous tourmentent et nous contrarient ; « , page 598

 » dans la vie humaine, comme dans toute mauvaise marchandise, le côté extérieur est  recouvert d’un faux lustre ; ce qui souffre toujours se cache, mais, en revanche, le luxe et l’éclat que tout un chacun a pu acquérir seront ostensiblement affichés, et plus la satisfaction intérieure lui fera défaut, plus il souhaitera passer pour heureux dans l’opinion d’autrui. « , page 613

 » L’homme est toujours renvoyé à lui-même, dans les petites comme dans les grandes choses. « , page 614

 » Comme l’Ancien Testament avait fait du monde et de l’homme l’oeuvre d’un dieu, le Nouveau Testament, pour professer que le salut et la délivrance de la misère du monde ne sauraient procéder que de ce monde même, s’est vu contraint de faire de ce dieu un homme. « , page 614

 » chaque individu, entièrement dissolu dans le monde illimité et réduit à rien, ne se considère pas moins comme le centre du monde, tient compte de sa propre existence et de son propre bien-être avant tout le reste, « , page 624

 » Chacun envisage sa propre mort comme la fin du monde, alors qu’il perçoit la mort de ses connaissances comme une chose assez indifférente, à moins d’être personnellement impliqué « , page 625

 » Le fait de forcer la limite de l’affirmation de la volonté d’autrui a été, depuis toujours, clairement reconnu, et son concept désigné par le mot d’INJUSTICE « , page 628

 » tout droit de propriété authentique, c’est-à-dire moral, est exclusivement fondé sur le travail « , page 630

 » le bourreau et la victime ne font qu’un « , page 660

 » Mais il nous arrive la même chose qu’à celui qui tire une balle contre un rocher. Jamais nos religions ne prendront racine en Inde ; la sagesse primordiale de l’espèce humaine ne sera pas supplantée par ce qui est arrivé en Galilée. Par contre, la sagesse indienne, refluant vers l’Europe, provoquera un changement fondamental de notre savoir et de notre pensée. « , page 665

 » L’égoïste se sent entouré par des phénomènes étrangers et hostiles, et tout son espoir repose sur son propre bien. L’homme bon vit dans un monde de phénomènes amicaux : le bien de chacun de ces phénomènes est aussi le sien. « , page 692

 » vérité que je ne saurais exprimer plus dignement dans le domaine de l’agir que par la formule du Véda, déjà évoquée,  » tat tvam asi !  » ( » Tu es Cela ! « ). Celui qui est capable, avec une claire connaissance et avec une conviction solide et profonde devant chaque être qu’il rencontre, de la réciter à lui-même, celui-là est, par la même, certain de toute vertu et de toute félicité, et s’achemine droit vers la délivrance. « , page 693

 » on ne pleure d’ailleurs jamais directement en raison d’une douleur ressentie, mais de sa réitération dans la réflexion. « , page 696

 » celui qui peut encore pleurer doit nécessairement être encore capable d’amour « , page 697

 » tout homme est conscient de manière intuitive, c’est-à-dire in concreto, de toutes les vérités philosophiques ; mais les porter au savoir abstrait de l’homme, à la réflexion, est l’affaire du philosophe, qui ne doit pas et ne peut en avoir d’autre. « , page 707

 » tout ce qui est précieux est aussi difficile que rare « , page 708

 » religion athée « , page 709

 » en général et en tout lieu, chacun ne peut apprécier que ce qui lui est à peu près analogue et, pour quoi il possède une disposition au moins faible. « , page 710

 » l’abus du meilleur est le pire « , page 712

 » c’est parmi la nation européenne la plus gaie, la plus enjouée, la plus sensuelle et la plus frivole, parmi la française donc, qu’on a vu naître l’ordre monastique le plus austère d’entre tous, celui des trappistes, « , page 726

(à suivre)

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