Mon beau navire Ô ma mémoire, Un siècle de poésie française, Gallimard 1911-2011, Préface d’Antoine Gallimard, nrf, collection Poésie, octobre 2011
Cela se voit, cela se fête, cent ans de poésie, passés largement inaperçus ! *
Cent ans de poésie, en bon et fier langage d’éditeur, chiffré, net, et sans ratures, – cela vous fait cent poètes tout rond ! C’est de la belle arithmétique et du presque oulipien.
Cent poètes… Soit 96 bonshommes – on a pris soin de les compter ; des bons, parfois même de très bons, de très grands poètes. Soit aussi – 100 moins 96 reste 4 : quatre pauvres égarées ; le sexe faible, en (petite) somme…
Puisqu’il y en a moins, on vous les nommera toutes : Andrée Chédid, Catherine Pozzi, Louise de Vilmorin, Liliane Wouters. Ces messieurs ? qu’ils aillent donc se rhabiller dans la liste alphabétique placée à la fin de l’ouvrage ! bien pratique au demeurant.
Quelques noms malgré tout, parmi ceux que nous aimons le plus : Antonin Artaud, René Char, Eugène Guillevic, Henri Michaux, Georges Perros, Francis Ponge, Jacques Prévert, Raymond Queneau, Pierre Reverdy ; mais il faudrait » pouvoir les citer tous » !
Cent ans de poésie, cent poètes, cela donne aussi cent poèmes ; c’est original.
Cent poèmes qui forment un beau petit volume, d’une deux centaines de pages, paru à l’automne de 2011. Avec une préface, bien troussée ma foi – d’ANTOINE GALLIMARD (je persifle et je signe).
Cependant, le compte pour moi, n’est pas tout à fait bon, car parmi nos 96 bonshommes – dorment-ils donc tous, les préposés à l’édition, la tête posée sur un bottin, dans cette centenaire et vénérable Maison ? –, il manque un invité de marque, un quatre-vingt-dix septième, un grand larron lui aussi, l’un des meilleurs lascars d’aujourd’hui de notre langue française : Paol Keineg, Lieux communs, suivi de Dahut, Gallimard, 1974. Pardonnez-leur à vos éditeurs, Antoine, s’ils ne savent pas toujours ce qu’ils font, car je le sais bien moi que le dormir est aisé mais que le compte est difficile ! Voir ici l’article que je consacre à Paol Keineg.
Allons, ne boudons pas pour un seul absent notoire notre plaisir de lire, de découvrir et de redécouvrir. Il est palpable et durable, ce tendre plaisir-là… c’est si rare aujourd’hui, en ces temps rudes et incertains, où l’on édite à tour de bras par caisses entières dans des camions chargés pour le pilon, sans jamais la caisse la remplir !
Voilà plusieurs semaines, en effet, que nous le traînons avec nous comme un missel, dans notre poche sur notre cœur, ce bel oisillon de la nrf à tête blanche à points rouges à cinq euros pas plus ; lisant, méditant et relisant, avec un intérêt sans pareil, une émotion sans retenue, piquant au hasard, dans cette mer de cent toujours recommencée…
« La poésie est la seule façon possible de transcender notre condition et la seule philosophie » écrivait, écrivez-vous Antoine, dans votre Préface, Romain Gary à Claude Gallimard, en 1958 ; Claude, votre papa, le fils de Gaston, votre grand-papa… allez, merci, un grand merci à ces trois-là. D’autant plus, ne rions pas, qu’on va peut-être nous ranimer la flamme désormais ; c’est y bien vrai, cette nouvelle ?
La flamme. Celle de la poésie.
Sauf qu’au jour d’aujourd’hui, comme disent les abrutis, il n’y a rien à transcender et plus guère de philosophie.
« Mon beau navire Ô ma mémoire ‒ Un siècle de poésie française » c’est ainsi que cela s’intitule, ces cent poèmes de cent poètes édités par Gallimard ; pour ses cent ans ; à la vénérable, et toujours pétulante Maison.
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* Sur le web, pour l’essentiel, deux courts articles sont signalés :
Marine de Tilly, pour le magazine Le Point, le 13 décembre 2011
Mohammed Aissaoui, pour le Figaro littéraire, le 20 octobre 2011
« Il était un petit… »
Alors que vogue la poésie
celle d’il y a cent fois cent ans et celle d’aujourd’hui
bon soir à toi l’Ami
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