La complainte de Jacques Routier

Pour Jacques, pour ses trente ans.
« Le destin prend son homme au berceau »,
Georges ARNAUD.

 

On l’appelait Jacques Routier
Dans un gros cul il naviguait
Tout en roulant, quel dur métier
A la chola *, il rêvassait

Refrain :
j’aime tes grands seins, car ils n’ont pas d’âme !

Les essuie-glaces battaient des ailes
L’œil bleu de Jacques chavirait
Je pense à toi, ma tourterelle
Ô ma chola si tu voulais !

Refrain :
j’aime tes grands seins, car ils n’ont pas d’âme !

Dans mon camion rempli de caisses
De dynamite et de nitro
Je pense à toi, à tes belles fesses
Veux-tu de moi, jolie matelot ?

Refrain :
j’aime tes grands seins, car ils n’ont pas d’âme !

La fière chola le tourmentait
Dans son rêve, il la voyait nue
D’ ses deux tétons, il aspirait
Un lait étrange qui pissait dru

Refrain :
j’aime tes grands seins, car ils n’ont pas d’âme !

Par un beau soir, à la station
Il vit la belle qui souriait
Tenant la pompe tel un ludion
Du bon gas-oil elle lui goulait

Refrain :
j’aime tes grands seins, car ils n’ont pas d’âme !

Le gosier sec mais le cœur chaud
Tandis qu’la chose dégoulinait
Dans l’serpent noir du long tuyau
Sa douce mimine il caressait

Refrain :
j’aime tes grands seins, car ils n’ont pas d’âme !

Elle n’aimait guère les privautés
Et lui fila un bon coup d’boule
Jacques s’écroula, quel dur métier
Que d’courtiser cette belle poule !

Refrain :
j’aime tes grands seins, car ils n’ont pas d’âme !

Depuis ce temps, Jacques rumine
L’amour enfui de la chola
Et siffle au bar son lot d’bibine
Que Dieu pardonne le pauvre gars !

* A propos du terme « chola » :

 » Mince, brune, dure de tout le corps, elle représentait le type parfait de la chola, avec ses cheveux noirs lisses, sa peau fine et douce  »
Georges ARNAUD, Le salaire de la peur, René Julliard, 1950 et 1973, Pocket, n° 2284, page 33

 » Depuis qu’il a vu bouger les seins de la chola, Gérard n’est plus à la conversation. Ses deux mains se posent aux épaules. Sur le rouge du tissu leur hâle paraît presque blanc. Il écarte l ‘étoffe qui tombe. Gérard a la gorge sèche. Il la prend aux hanches, lui courbe le haut du corps en arrière et appuie contre lui le bas de son ventre.  – Mon gringo rose et blond, gémit Linda. Ils tombent ensemble sur le lit. « , page 74

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