Mon p’tit Zibaldone

Moi, j’aime la mode, et lui sacrifie volontiers. Comme moi, vous l’aurez remarqué  : la mode, aujourd’hui, dans l’édition de littérature générale, serait plutôt aux dictionnaires. La littérature, tourneboulée par le numérique, retourne au stade d’avant le miroir… Fini le fleuve roman, je vais te bricoler dans l’éclaté, moi ! Quelle drôle de bel enfant, la littérature !

Pour moi, tout avait bien commencé. L’idée m’était venue en lisant Flaubert ; plus précisément son Dictionnaire des idées reçues. Ce devait être, soit dit en passant, l’oeuvre de Bouvard et Pécuchet, ce dictionnaire. C’est-à-dire que le dictionnaire des idées reçues, inachevé, devait constituer l’un des chapitres de Bouvard et Pécuchet, inachevé aussi.

Pour ma part, j’eus l’idée d’un Dictionnaire de mes idées creuses. L’idée fit son chemin dans ma tête. Tranquille, obscure, et souterraine. Elle revint à l’air libre, un beau matin d’avril, cette rivière enchantée. Mon p’tit Zibaldone – entretemps le titre avait changé – commença alors à prendre forme.

J’avais coché consciencieusement, dans mon dictionnaire, à la lettre A, tous les bons mots. J’avais écrit leurs définitions ; enfin, certaines. Et puis, serait-ce la paresse, l’impatience, le goût du fruit défendu, l’herbe tendre des mots ? Alors que j’avais même pas fini le « A », j’ai voulu tâter aussitôt du « B », et puis du « C », etc. !

 » Mon p’tit Zibaldone  » (1) : je l’aime bien mon titre. Le voilà publié maintenant ; divulgué ; et protégé ! Car rien n’est dit ; je vais peut-être l’enrichir. Comment faites-vous ? vous autres ? à l’Académie ?

(1) À propos du Zibaldone de Giacomo Leopardi (1798-1837), « Une œuvre absolument unique, quasi monstrueuse, sans équivalent dans la littérature universelle » comme la qualifie Bertrand Schefer, son éditeur en français, voir ici l’article que je lui consacre.

ABACA :
Abaca ! Abaca ! roman célèbre de William Faulkner.

ABACULE :
Petit cheval, en langage enfantin : « Moi veut abacule maman, areuh… areuh… ».

ABAISSE :
Tenancière de maison close, anc. porno ; la première abaisse naquit en Écosse, dans le village de « Pas-Taculotte-koi-kilt-arrive ».

ABAJOUE :
Un abajoue est un rabat-joie ; sans tristesse excessive néanmoins, il s’imagine volontiers que le bonheur ne serait, au vrai, qu’un état d’esprit, par ailleurs impossible à goûter.

ABANDON :
Mot dérivé de l’anc. porno « Ah ! bandons ! » ; qualifie le fait, pour un moine tibétain, d’atteindre l’éveil.

ABAQUE :
Partisan de l’école de la ruse.

ABAT-JOUR :
Pierre tombale dont le granit est de forte densité.

ABATS :
Petites lèvres cuisinées au sang ; recette de cuisine africaine ; on la trouve également en Europe.

ABATTEMENT :
Course en aveugle après son ombre plongée dans le noir contre une montre arrêtée qui sonne encore.

ABATTOIR :
Internat de prestige.

ABCÈS :
Loquedu, pauv’ type, brave gars, paumé, loser, selon les époques ; ne s’aime pas, n’aime personne ; rien ni personne jamais ; grâce à ses yeux ; n’aspire qu’à rien, sinon qu’à gonfler.

ABDIQUER :
ta mère.

ABDOMEN :
Monument funéraire, période indéterminée, fréquent dans l’ouest de la France ; composé de chairs flasques et rondes ; allant de deux à dix amas de chairs, en moyenne ; s’alignent contre une paroi de bois, surmontée d’une surface en zinc ; sculptés en ronde bosse.
Un garçonnet fera le tour du monument, sauf à être un peu espiègle, un verre de limonade à la main, à condition de se baisser un peu pour éviter de se cogner la tête.

ABÉCÉDAIRE :
S’écrit parfois : «  abécéderdéders » ou « abécéderche ».
Trou de balle dans le cœur ; entraîne une mort rapide.

ABÉE :
ça alors.

ABEILLE :
L’abeille est une espèce de corneille blanche. Habitat de prédilection : vieux immeubles new-yorkais, singulièrement à Manhattan. L’abeille niche de préférence sur les marches des escaliers d’incendie désaffectés ; l’abeille fait son nid exclusivement avec des restes de frites qu’elle trouve dans les boîtes en carton jetées dans les poubelles, à la sortie des fast-food. Ces restes de frites, agrégés aux excréments des oisillons avant leur envol, exposés aux intempéries pendant plusieurs semaines, prennent une consistance, une saveur spéciales ; leur goût, un peu piquant, acidulé, est très apprécié. Les nids d’abeille sont servis dans les restaurants gastronomiques, à Manhattan ; c’est un mets considéré comme rare et délicat depuis que la corneille blanche est en voie d’extinction. On attribue le phénomène de cette disparition graduelle de l’abeille, à l’entrée en vigueur aux Etats-Unis d’une législation drastique, connue sous le nom de « Loi anti-fast-food » ; le vote de cette législation fut imposé par la montée inquiétante de l’obésinat.

ABER :
L’aber est une lance à rats conçue sur le modèle des lances à incendie des sapeurs-pompiers. l’aber est utilisé couramment par les services municipaux de dératourismation des cités côtières bretonnes. La lance permet d’injecter, dans les trous à rats, une fois ceux-ci repérés, un flot d’algues en putréfaction fraîchement cueillies. Les rats aiment pas ça ; ils s’enfuient en courant ; vont crever au loin ; ah, cette saleté.

ABÎME :
Dûdû d’anxiété ; latente, diffuse, profuse, superfétatoire, c’est selon ; l’écrivain paye le dûdû devant l’écran ; face à la page blanche ; personne n’encaisse le dûdû.

ABJECT :
Avion privé ; la plupart des places reste vide.

ABLATION :
Gavage des sois. Ingrédients, matériel requis, procédés du gavage des sois : nourriture salée ; nourriture sucrée ; boissons alcoolisées ; boissons sucrées ; petits rouleaux en papier bible à faire de la fumée ; droguinettes drues ; ou pouce ; films à la con mords ta queue à sang ; télé « j’ai oublié ma sèche chatte aux water closets ! » ; points noirs, tickets gagnants, cartes d’or ; diadème obsessionnel compulsif ; pompes à beer, diesel, manque de peau ; mercure au plomb ; air raréfié ; développement personnel ; intellectuels, journalistes, matière en plastique souple ; incassable. Touillez, pas cracher, avalez, dites trente-trois.

ABLETTE :
Pétassinette portant des chaussures argentées, style ballerine.
L’ablette est aussi une omelette faite exclusivement avec des œufs de rouge-gorge. Les œufs de rouge-gorge sont de petits œufs piquetés de rouge, et de gris aussi, fort jolis, de la taille des petits œufs de Pâques à la liqueur, écœurante et sucrée. Pour faire une bonne petite ablette casser les œufs, coquille comprise, sur une petite poêle en tôle ; faire revenir rapidement à feu très doux, sans matière grasse ; une larme d’Izarra jaune peut toutefois être ajoutée avec avantage ; saler très peu ; compter dix-huit œufs par personne. A noter que le rouge-gorge est, depuis 2006, une espèce protégée ; donc, on ne peut plus faire d’ablette, sauf à se contenter d’œufs issus d’oiseaux d’élevage ; mais c’est pas bon.

ABONDANCE :
Engendre la nuit.
Voilà-t-il pas que je me relis, une dizaine de jours ont passé. Je m’explique : entre le jour où j’ai écrit « Engendre la nuit » en regard du mot ABONDANCE, et le jour, aujourd’hui en l’occurrence, où j’écris « je me relis, etc. », une dizaine de jours se sont passés. Je me relis, une dizaine de jours ont passé, écrivis-je, vais-je, écrivaillais-je ? à l’instant, mais est-ce vraiment « à l’instant », que j’ai écrit à l’instant, hein ? Toujours est-il que ; que quoi ? Engendre la nuit « Engendre la nuit », ou pas ?

ABONNEMENT :
Au silence.

ABRIBUS :
Difficulté d’élocution ; incapable de recréer, pour ses propres besoins, une vision globale et cohérente du monde qui l’entoure, le malade souffrant d’abribus s’exprime de manière laconique, confuse, par bribes ; il se réfugie, parfois, dans l’onomatopette, effrayant son entourage.

ABREUVOIR :
anc. braillard « labreuvoir » ; le labreuvoir se ragédie ; d’ailleurs tout se ragédie.

ABRICOT :
Voir ici.

ADOLESCENCE :
Brame du daguet ; ouh oâh oh oh oh ! ; fou rire de la pétassinette ; hi ! hi ! hi !

AILFONE :
Corne muse ; anc. provençal.

AMBITION :
Testicule solitaire. Sorte d’amulette, de petit étron, ou de gri-gri. À l’œil, il paraît moulé en plâtre blanc. Quand on le touche, on s’aperçoit qu’il est fabriqué, en réalité, dans cette espèce de matière caoutchouteuse qui dégage une forte odeur désagréable de pneu brûlé ; cela rappelle à merveille l’odeur humaine d’un sexe mâle peu entretenu ; c’est beurk. Quand on appuie sur l’ambition, il fait : « pouic ! » . L’homme aime parfois à suspendre cet emblème au rétroviseur de sa voiture, le préférant à une queue de tigre.

ANOREXIE :
Corps en pleurs.

AUTODAFÉ :
Grand bûcher de vieux papiers, sans flamme, avec un pilon. Vise à se débarrasser des livres pour ne garder que le papier.

AVERSE :
Intermittent du spectacle.

BABIOLE :
Pendentif en argent. Le babiole – et non la babiole – représente un visage de chérubin aux boucles blondes, yeux tournés vers le ciel. L’enfant a les yeux clos ; il semble endormi ; une flèche, longue, très fine, perce le front de l’enfant, à la racine du nez, entre les yeux ; un mince, très mince filet de sang perle le long du nez de l’enfant. Ce pendentif, porté sous la chemise. Celui qui le porte ne le montre pas.

BARMAN :
Voir ici.

BONHEUR :
A la bonne heure ! il est introuvable. Celui qui aura sa peau ne naîtra pas.

CAROTTE :
Parfois « Rotteca » ; art de réussir à rater sa vie.

CINEAC :
Voir ici.

CIRCONCISION :
Art du bref.

CONCEPT :
Commodité de langage. Lieu d’aisance pour les mots. Claque, retentissante, donnée au réel.

CULOTTE :
Slip de baudroie.
Voir ici.

DÉTRESSE :
Feu de camp un peu bêta allumé sur les plages, par une certaine jeunesse ; avide de certitude ; indistincte ; indifférenciée ; festive ; emmerdeuse ; brisée ; attendrissante et avinée.

DICTIONNAIRE :
Rime avec « Missionnaire ». Une confortable position, celle de celui qui distribue les cartes comme des caresses.

ENFANT :
Modèle réduit d’adulte. Jamais fabriqué à l’échelle.

ETIQUETTE :
Rime avec « concept » ; sont faits pour valser.

EXPRESSION :
Boire chaque matin le jus d’un citron.

GENIE :
Marque de lessive.

GUILLOTINE :
Lorsque je ne serai plus, tout ce qui me passait par la tête continuera de vous hanter, si, si, vraiment. Chez le canard, cela, à ce qu’il paraît, peut durer quelques secondes, et le voilà qui court, se dandine sans sa tête, le bestiau ! Chez l’humain, cela pourrait durer quelques minutes… A ce que prétendent quelques savants anatomistes des plus sérieux, ayant étudié la chose, au dix-neuvième siècle. Vous voyez un peu ça d’ici : une tête d’homme qui parle toute seule, sans son tronc, pendant plusieurs minutes ? J’aurais envie de la claquer, moi. Chez l’écrivain, pareil phénomène peut parfois perdurer des siècles ; en France, Montaigne est probablement notre meilleur exemple de tête à claque qui parle toute seule. En plus, tu ne peux pas l’agripper par les cheveux pour la jeter au panier, d’un geste souple et balancé. Ou la poser religieusement sur la télévision. C’est dommage.

HOSTIE :
Monnaie du pape.

LAPIN :
 » Ici, y nia à manger ! ah ! oui va !  » disait la vieille tante bossue en sabots, en donnant à manger à ses lapins.

MONSTRE :
C’est moi.

OPINION :
Plante hallucinogène.

ORTHOGRAPHE :
Or ; taux ; graphes.

PRÉ :
Vert.

PRÉSERVATIF :
Fichu fichu ; œil de perdrix ; roi de la glousse ; monocle laiteux ; boudin secourable ; sakasperme ; prudente réserve ; oubli-couilles ; porte-mucus ; extension du domaine de la flûte.

PSYCHANALYSE :
Jeu d’enfant pour adultes ; populaire au début du siècle ; ne me rappelle plus lequel, ai dû refouler.
Il s’agit d’attraper un canard, qui file sur l’eau ; le canard est jaune ; l’eau coule drue dans un gros tuyau ; avec une canne à pêche à canard en bambou refendu américain, une longue ficelle, un peu raide, raccordée au bout du bambou, un crochet de fer au bout de la ficelle, rudimentaire, en forme de bec de canne, faisait office d’hameçon.
Celui qui réussit à attraper le canard jaune est content ; pourquoi il est content ? il ne sait pas pourquoi il est content ; comme il est content, il veut en attraper un autre, de canard ; pourquoi pas un rouge cette fois ? ou un vert, ou un bleu, hein ? ça n’en finit pas. Kan y’en a plus, toi tu remets des canards, sans piper mot, dans le gros tuyau.

TRISTESSE :
La première phrase de Bonjour Tristesse, de Françoise Sagan. C’est de là que j’aimerais partir, de la première phrase de Bonjour Tristesse de Françoise Sagan. Elle se termine par le mot : « tristesse », justement. Quelque chose comme : «  le beau nom… », à moins que ce ne fût, « le doux nom de tristesse » ? C’est une très belle première phrase de roman ; dans mon souvenir, elle fait trois lignes, sans ponctuation ; mais j’imagine que mon souvenir me trompe, il doit bien y avoir une virgule qui traîne quelque part dans cette phrase ; mais ce n’est pas sûr. Je pourrais filer sur google, et vérifier ; je n’aurais même pas à me lever de table, à aller fouiller dans ma bibliothèque ; et d’ailleurs, y est-il encore, mon Bonjour Tristesse, dans ma bibliothèque ? Un jour, il y a longtemps, j’ai vendu tous mes livres, je ne voulais plus ni lire ni écrire. Alors que je savais très bien. Ai-je bien fait de revenir sur ma décision ? ce pourrait être la question ; pour vous ; comme pour moi ; par ces temps qui courent.

Un commentaire sur “Mon p’tit Zibaldone

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  1. Empoisonnement d’Aber par algues putréfiées ….
    D’où l’appellation d’aber anse

    Je sais… il faut être allé le chercher au bout du monde .. là où les abers ………

    Bises dominicales

    J’aime

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