Joseph ROTH, La marche de Radetzky, Editions du Seuil, traduit de l’allemand par Blanche Gidon et revu par Alain Huriot, 1982, Points roman

Florilège

« L’eau ne lui servait qu’à préparer le chemin à l’alcool, comme on nettoie les rues avant une réception », page 86

« La vie semblait se dérouler plus vite que les pensées. Et avant d’avoir pris une décision, on était un vieil homme », page 91

« Tout ce qui grandissait avait besoin de beaucoup de temps pour grandir, tout ce qui disparaissait avait besoin de beaucoup de temps pour se faire oublier », page 124

« Plus jamais. Le mot dont il avait peur, océan sans vie et sans bords d’une éternité sans écho ! », page 132

« Mais l’âge approchait à pas cruels et silencieux, parfois sous de perfides déguisements. Elle comptait les jours qui passaient et, chaque matin, les rides fines, les délicats réseaux, tissés la nuit autour de ses yeux qui dormaient sans se douter de rien. Toutefois, son cœur restait celui d’une jeune fille de seize ans. Gratifié d’une durable jeunesse, il habitait au milieu de ce corps vieillissant comme un beau mystère dans un château en décrépitude », page 205

« Chacun des beaux jeunes gens que Mme von Taussig prenait dans ses bras était l’hôte souhaité de longue date. Malheureusement, il ne dépassait jamais l’antichambre. Puisqu’elle n’aimait pas, puisqu’elle ne faisait qu’attendre ! Elle les voyait qui s’en allaient, l’un après l’autre, le regard grave, non satisfait, aigri. Petit à petit, elle s’habituait à voir des hommes arriver et repartir : race de géants puérils qui ressemblaient à des insectes mammouths, fugitifs et pourtant très pesants, armée de stupides balourds qui s’essayaient à voltiger avec des ailes de plomb, guerriers qui croyait conquérir tandis qu’on les méprisait, posséder pendant qu’on se riait d’eux, jouir pleinement quand ils avaient à peine commencer à goûter, horde barbare que l’on continuait d’attendre malgré tout tant que l’on vivait. Peut-être un jour verrait-on se détacher de leur masse confuse et obscure un être d’exception, léger et chatoyant, un prince aux mains bénies. On attendait et il ne venait pas. L’âge arrivait et il ne venait pas. Ces jeunes gens, Mme von Taussig les opposait, comme des digues, à la vieillesse qui approchait. Craignant la perspicacité de leur regard, c’est les yeux fermés qu’elle partait pour chacune de ses prétendues aventures. Et, de ses désirs, elle métamorphosait magiquement, pour son usage personnel, ces benêts. Ils ne s’en apercevaient même pas, hélas ! Et ils ne se métamorphosaient pas le moins du monde », page 205

« Il avait vécu assez longtemps pour savoir qu’il est vain de dire la vérité », page 233

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