Christophe FOURVEL, Ce qu’il aurait fallu, L’Atelier contemporain, mars 2017.

« Il aurait fallu rencontrer une fois dans sa vie d’écolier un ancien déporté. Un prisonnier politique sud-américain et un soviétique », page 2

« Il aurait fallu 200 écrans de moins pour Pirates des caraïbes, Les Choristes, Le Dîner de cons, Astérix aux Jeux Olympiques. Pour n’importe quel James Bond. Pour Avatar comme pour l’Âge de glace », page 4

« Il aurait fallu ne pas vendre la première chaîne de télé à un marchand de béton », page 6

« Il aurait fallu que les intellectuels se trompent un peu moins souvent », page 16

A l’heure où Georges Perec entre dans la Pléiade, aux côtés de Jean d’Ormesson, y’en a-t-il un qui va faire de l’ombre à l’autre ? j’aimerais tout de même vous dire un mot chaleureux et enthousiaste du petit livre de Christophe Fourvel.

Lorsque je dis petit, je me réfère exclusivement bien sûr à ses dimensions : 16 pages en tout. Petit livre de 16 pages simplement retenues par deux agrafes, et dépourvu de couverture. Petit livre au format d’un smartphone, mais plus mince que lui ‒ il tient dans une main et peut être feuilleté, du pouce, j’ai testé ! facile à lire dans le métro donc, le petit Fourvel. Le petit Fourvel dans le creux de votre main droite, tandis que votre main gauche est accrochée fermement à la moite suante barre. L’inverse est possible aussi.

Le texte commence d’emblée sous le titre et se termine là où, d’habitude, figure le prière d’insérer, en quatrième de couverture. Une ligne de pointillés, rouge, marque le début et la fin du texte. Le nom de l’auteur lui aussi est imprimé en rouge, de même que l’apostrophe du « qu’il » de « Ce qu’il aurait fallu » (1), c’est subtil et du meilleur effet ! En outre, la pagination, sexy, noire à pois rouges, qui commence à 2, figure systématiquement en page paire, alors voilà ça donne exactement ceci : 2•3, 4•5, 6•7, etc. ‒ coquetteries féminines ! Cette mise en pages on ne peut plus sobre, et réussie, en effet, est signée Juliette Roussel.

Vous connaissez le sens de l’expression « C’est frais » ? (2) Eh bien, Ce qu’il aurait fallu, c’est frais !

Ce qu’il aurait fallu, je l’ai lu avec le sourire qu’il fait naître sur vos lèvres à chaque ligne !

Le livre, autant le dire de suite, est calqué sur le modèle du Je me souviens de Georges Perec, dont beaucoup d’écrivains se sont d’ailleurs inspirés. Comme vous le savez, mais peut-être pas, Georges Perec lui-même avait puisé son inspiration chez un autre. En l’occurrence chez l’américain Joe Brainard, qui écrivit lui-même un I remember, plusieurs mêmes, dans les années 70 (Voir à ce sujet, ici, l’article, court, précis, et émouvant, qu’Eric Loret consacre à Joe Brainard dans Libération, 26 juin 1997).

Bien qu’il a dû l’être, Christophe Fourvel ne nous dit pas qu’il a été inspiré par le Je me souviens de Perec. Mais il ne s’en cache pas non plus ; à quoi bon ; il est évident qu’il fait confiance à la culture littéraire de son lecteur pour le deviner. Il y a peut-être aussi, de sa part, le désir de rendre hommage indirectement à l’auteur facétieux des Choses et de La vie mode d’emploi.

La Première assertion, le premier « Il aurait fallu » est : « Il aurait fallu se méfier des cadeaux Bonux ». C’est limpide, non ? Comprenez par là : si vous voulez séduire la mère, visez d’abord l’enfant, et plus largement, le bourrage de crâne sera d’autant plus efficace qu’il aura commencé tôt, dès l’enfance !

Dans Ce qu’il aurait fallu, tout y passe : la politique, le sport, la pub, le peuple, les people, la malbouffe, la conso, la morale, l’art, l’école, le cinéma, etc.

« Il aurait fallu », cela relève de la pensée magique : ah ! si nous pouvions refaire Le Monde, hein !

Le « Il aurait fallu » de l’adulte, c’est, en quelque sorte, le « On dirait » de l’enfant : on dirait que je suis Zorro et toi tu serais Ivanhoé, on dirait que je suis Emmanuel Macron et toi Edouard Philippe, on dirait que toi tu es Céleste Albaret et que moi je suis Miss France…

Qu’est-ce qui a bien pu pousser Christophe Fourvel à écrire ce petit livre en rouge et noir ? La clé de ce grand mystère, l’auteur nous la donnerait, simple supposition, dans l’ultime « Il aurait fallu », et plus précisément dans la dernière phrase du livre : « Il aurait fallu se méfier des effets du bifidus actif. Et des hyperactifs qui ne savent pas quoi faire pendant les RTT. » Là, c’est moi qui met du rouge.

Alors, Christophe, « il en est » ? comme disait Marcel, à propos de l’inversion il est vrai. Ce serait un hyperactif Christophe, au sens clinique du terme ? un sempiternel insatisfait, un frustré, un gars qui ne supporte pas l’injustice ? ! !

Vous m’en direz tant !

………………………

(1) Bon, j’ai mis l’apostrophe en plus gros pour qu’on voit mieux ; dans le livre, il a la même taille que le reste du titre, naturellement.

(2)  « Il n’y a de frais que positif ». Ce que cet adjectif exprime « c’est une qualité et une sensation ». « Quelle qualité ? Non pas telle ou telle qualité (élégance, raffinement, sophistication, etc.) qui réclameraient des termes plus précis, ajustés, mais LA qualité, sans détermination précise, sans définition restrictive, quelque chose comme une présence pleine, un moment de grâce, en d’autres termes pour lequel un mot, un seul, monosyllabique de surcroît, suffit », François Noudelman, C’est frais, une expression disséquée, Libération 28 janvier 2015 ; Voir ici.

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