Oscar WILDE, Aphorismes, traduction de l’anglais et postace de Bernard Hoepffner, avec la collaboration de Catherine Goffaux, Illustrations de Laurent Parienty, Editions Mille et une Nuits, n° 73, 104 pages
Parmi tous les chefs-d’œuvre, parfois oubliés, que nous offrent les éditions des Mille et une Nuits « pour le temps d’une attente, d’un voyage, d’une insomnie » ‒ entendez par là que, s’agissant de livres assez courts, vous ne mettrez pas trop longtemps à les lire, et donc que vous ne vous ruinerez pas non plus à les acheter ‒ , il en est un que j’affectionne tout spécialement. Ce sont les aphorismes d’Oscar Wilde. Désirant les offrir à un ami, dont je présume qu’il ne les a pas encore lus, je n’ai pu résister à la tentation : j’ai remis le nez dedans !
C’est un feu d’artifice d’esprit et de bons mots, mais c’est aussi, effectivement, « l’exact reflet de la pensée » de leur auteur et de sa personnalité. J’ai sélectionné pour vous quelques-uns de ces aphorismes, choisissant de préférence parmi ceux qu’Oscar Wilde a écrit sur la beauté et l’art d’une manière générale.
Florilège
« Il est absurde de se donner des règles absolues sur ce qu’il faut lire et qu’il ne faut pas lire. Plus de la moitié de la culture moderne repose sur ce qu’il ne faut pas lire », page 7
« Seule la beauté est à l’abri des outrages du temps. Les philosophies s’effritent comme du sable, les croyances se succèdent les unes aux autres, mais ce qui est beau est une joie en toutes saisons, une jouissance éternelle », page 8
« Dans un siècle d’une grande laideur où prime la raison, les arts n’empruntent pas à la vie, mais se copient les uns les autres », page 12
« C’est une bien triste vérité, mais nous avons perdu la faculté de donner de jolis noms aux choses. Les noms sont tout. Je n’ai aucun grief contre les actions, c’est des mots dont je me plains. Ce qui explique pourquoi je déteste le naturalisme vulgaire en littérature. L’homme qui appelle une pelle une pelle devrait être obligé de s’en servir. Il n’est pas capable d’autre chose », page 14
« L’œuvre d’art est belle parce qu’elle est ce que l’art n’a jamais été ; l’évaluer selon les normes du passé revient à l’évaluer selon des normes dont le reflet a généré sa vraie perfection », page 16
« Tous sans exception, nous passons nos jours à chercher le secret de la vie. Eh bien, le secret de la vie est dans l’art », page 17
« Il n’y a pas dans l’art de vérité universelle. Dans l’art, une vérité est ce dont le contraire est également vrai », page 18
« Les amateurs de musique sont totalement déraisonnables. Ils nous demandent toujours d’être parfaitement muets au moment précis où nous aimerions être absolument sourds », page 21
« L’œuvre d’art doit dominer le spectateur. Le spectateur ne doit pas dominer l’œuvre d’art », page 22
« Un véritable artiste ne se préoccupe absolument pas du public. Le public n’existe pas pour lui », page 22
« Il existe deux manières de ne pas aimer l’art. La première est de ne pas l’aimer et la seconde de l’aimer rationnellement », page 32
« Un artiste n’est jamais morbide. Un artiste peut tout exprimer », page 34
« Nous sommes tous dans le caniveau mais certains d’entre nous regardent les étoiles », page 38
« C’est par l’art, et seulement par l’art, que nous pouvons nous réaliser à la perfection ; par l’art, et seulement par l’art, que nous pouvons nous protéger des sordides périls de l’existence réelle », page 39
« Tout art est immoral », page 43
« Nous vivons à une époque où on lit trop pour parvenir à la sagesse et où on pense trop pour parvenir à la beauté », page 46
« Quelle est la différence entre le journalisme et la littérature ? Le journalisme est illisible et la littérature n’est pas lue », page 49
« Les seuls artistes que j’aie jamais connus et dont le commerce était agréable étaient de mauvais artistes. Les bons artistes n’existent que par ce qu’ils font et ce qu’ils sont n’a donc absolument aucun intérêt », page 52
« Un grand poète, un poète vraiment grand, est la moins poétique de toutes les créatures. Mais les poètes mineurs sont extrêmement fascinants. Plus leurs rimes sont mauvaises, plus ils sont pittoresques. Le simple fait d’avoir publié un livre de sonnets de second ordre rend un homme tout à fait irrésistible. Il vit la poésie qu’il ne peut écrire. Les autres écrivent la poésie qu’ils n’ont pas le courage de vivre », page 54
« Le but de l’art n’est pas seulement la vérité mais aussi la beauté dans toute sa complexité. L’art n’est lui-même qu’une forme d’exagération et la sélection, qui est l’esprit même de l’art, n’est rien d’autre qu’un mode très intense de mise en valeur », page 57
« La littérature anticipe toujours la vie. Elle ne la copie pas mais la façonne selon le but qu’elle se donne », page 68
« L’art n’exprime jamais autre chose que lui-même. Il a une vie indépendante, tout comme la pensée, et se développe purement à sa guise. Il n’est pas nécessairement réaliste si l’époque est réaliste, ni spirituel si l’époque est religieuse. Loin d’être une création de son temps, il est en général en opposition directe avec lui, et la seule histoire qu’il nous réserve est l’histoire de ses propres progrès », page 71
« La véritable école de l’art n’est pas la vie, mais l’art », page 72
« C’est du spectateur et non de la vie que l’art est en fait le miroir », page 75
« Lorsque les critiques sont en désaccord, l’artiste est en accord avec lui-même », page 79
« Tout art est à la fois surface et symbole », page 85
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