Pierre MAC ORLAN, Chronique des jours désespérés, Gallimard, 1985, folio n° 1691

Pierre Mac Orlan, Chronique des jours désespérés, suivi de Les voisins, Préface de Francis Lacassin, Gallimard, 1985, collection Folio, n° 1691

« Sautillant avec une charmante maladresse sur le coursier tapissé d’écarlate, elle examinait la chiourme sournoise et déférente. Une moue de pitié arrondissait l’arc pur de sa jolie bouche. Elle ne voyait que les bonnets rouges baissés, car pas une fois le regard d’un forçat ne se croisa avec les siens », page 45

chiourme : 
Ensemble des rameurs d’une galère.
Condamnés réunis dans un bagne.
(Dictionnaire Larousse, en ligne)

Vous connaissez le bookcrossing, ce phénomène mondial ? bien sûr que oui : « Le bookcrossing est un phénomène mondial dont le principe est de faire circuler des livres en les « libérant » dans la nature pour qu’ils puissent être retrouvés et lus par d’autres personnes, qui les relâcheront à leur tour. » (source Wikipédia).

Une version améliorée, plus cosy, plus confort, du bookcrossing, consiste à créer une « boîte à livres », que vous installez dans un endroit propice, à l’entrée d’une bibliothèque par exemple, ou dans un square, une galerie marchande, un hall d’accueil, etc. ; chacun dépose librement dans la boîte à livres, à l’abri des intempéries, le ou les livres qu’il désire faire circuler.

J’habite ici, dans la banlieue parisienne ; une boîte à livres a été installée il y a quelques mois dans le parc, près de la mairie, sur l’initiative d’une association de lecteurs ; et ça marche vraiment bien.

L’autre jour, tôt dans la matinée, c’était un dimanche, je partais faire mon marché ; en passant j’ai pris dans la boîte – je l’alimente moi aussi de temps à autre –  un recueil de courtes nouvelles de Pierre Mac Orlan, ce sont d’ailleurs plutôt des contes, comme l’indique Francis Lacassin dans son excellente préface : « Chronique des jours désespérés », paru chez Gallimard, pour la première fois en 1985 ; vraisemblablement indisponible depuis dans la collection folio.

Si tel est le cas, Antoine, un retirage s’impose.

J’aime bien lire dans le métro. Tôt dans l’après-midi, ce même dimanche, je lisais donc dans le métro ; j’avais trouvé une place assise, c’était super. Dans la nouvelle de Mac Orlan que je lisais, intitulée La Chiourme (Voir ci-dessus la définition précise de ce mot), une jeune, belle, altière aristocrate, mais une mijaurée, manifeste le désir de visiter une galère ; la scène se passe au XVII ème siècle. En prévision de la visite de la dame, la chiourme nettoie et astique sa galère ; on rase les forçats, on les revêt de leur casaque d’apparat. La jeune et jolie dame arrive, monte sur le pont, et s’assoit dans son fauteuil, ainsi que « trois seigneurs magnifiques portant des perruques orgueilleuses ». En son honneur, la chiourme exécute alors quelques exercices virtuoses : au premier coup de sifflet, se coucher ; au deuxième, montrer chacun un doigt, au troisième la tête. Un peu, si vous voulez, comme ceux que l’on voit faire aujourd’hui aux soldats de l’armée chinoise, coréenne, ou russe, durant la parade ; ou par les athlètes de différents pays lors de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques. Puis, la chiourme rend le salut du roi. Une collation splendide clôt la visite ; la dame remonte alors dans sa barque, un « frêle esquif »,  pour regagner la rive ; elle est ravie. Hélas, la barque coule. Sacré vain Dieu. Qu’à cela ne tienne, un forçat, avec l’assentiment du capitaine, plonge, et « se met à nager rapidement vers la chaloupe chavirée ». Vous pensez peut-être que, mu par son bon coeur, il va porter secours à la dame, la sauver de la noyade ? Que nenni ! pendant qu’il la maintient à la surface de la mer « avec ses dents mordant les dentelles spongieuses et amères du corsage, d’une main, il lui coupa le cou, à la grosse veine, pour sa satisfaction personnelle et pour exaucer le souhait de la chiourme ».

Alors que je venais de terminer ma lecture de La chiourme, la rame du métro s’arrête à la station Goncourt. Un jeune homme s’apprête à descendre ; il s’avance vers la portière ; elle s’ouvre. En sortant sans se retourner, marchant droit devant lui, il crie  : « Toi, si tu m’insultes encore, j’égorge ta mère ! ». Demeuré dans la rame, adossé à la vitre de la porte opposée, un second jeune homme se contente de hausser les épaules. 

On appelle ça une coïncidence.

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