Pour Jane.
« Mignonne, quand le soir descendra sur la terre
Et que le rossignol viendra chanter encore
Quand le vent soufflera sur la verte bruyère
Nous irons écouter la chanson des blés d’or. »
Les indications que l’on nous avait fournies étaient précises : que je m’y rende en voiture ou que j’emprunte les transports en commun, le chemin paraissait tout tracé ; je ne pouvais pas me tromper, encore moins m’égarer. Comme je connaissais mal cette partie de la banlieue, j’ai choisi de prendre le RER D à Châtelet.
Nous étions en début d’après-midi. En sortant de chez moi pour aller prendre le métro porte des Lilas, j’avais hâte, et je dois l’avouer, un peu honte : pour la première fois de ma vie, j’allais entrer dans une prison. Mais seulement pour quelques heures, en homme libre, en visiteur de passage ; en invité.
Je marchais sous les platanes, boulevard Mortier, le long de la caserne. Ici même, il y a longtemps, Dora Bruder (2) , âgée de quinze ans, avait été emprisonnée, avant d’être internée à Drancy puis déportée à Auschwitz, où elle était morte ; je devrais écrire : « où elle avait été assassinée »… Ici même, trois jours plus tôt, un jeune homme de dix-sept ans en avait tué un autre, approximativement du même âge, à coups de couteau ; « mortellement blessé à l’arme blanche » avais-je lu dans le journal du soir.
Un vers d’Arthur Rimbaud me trottait dans la tête, « On n’est pas sérieux, lorsqu’on a dix-sept ans. »…
Le plan précisait que le trajet en RER durerait quarante-cinq minutes. Je devrais descendre à la gare de Savigny-le-temple/ Nandy.
Le train roulait lentement. Trop à mon goût, si bien que le temps me semblait long. Cette prudente lenteur avait fini par m’endormir à demi, et cela m’aidait à patienter.
Des toits de tuiles rouges, par dizaines, par centaines ; des bois encore verts à flanc de coteau, au loin, sous un ciel gris ; des rues étroites et désertes, bordées de petites maisons, – tout un paysage défilait sous mes yeux, qu’un peintre impressionniste, grisé comme autrefois par ce qu’il faut bien appeler la vitesse du train, aurait peut-être aimé saisir.
J’entendais le grondement des roues, sempiternel. Les yeux clos, j’imaginais, je voyais la mer comme dans un rêve, des vagues qui s’avançaient vers moi avec une majesté de reines, et qui tenaient la même note longue et sourde jusqu’au rivage, tandis que je les suis tranquillement des yeux. Mais c’est en écrivant que cette image a frappé mon esprit.
L’été indien – cet été anormal, obscène – cette année, a sévi plus longtemps que d’habitude ; mais il est fini. En descendant du train, à la gare de Savigny, il faisait presque froid.
J’ai suivi le flot des voyageurs, des habitués pour la plupart. Parvenu au bas de l’escalier qui mène vers la sortie, je me suis demandé quel côté prendre, devais-je tourner à droite, ou alors à gauche ?
J’ai hésité, j’ai tourné à gauche. Au bout du tunnel il y avait un grand parking réservé aux bus, mais rien n’était indiqué. Je suis retourné dans le tunnel, je suis revenu sur mes pas jusqu’aux tourniquets, mais, dans le hall de la gare, rien n’était indiqué non plus. J’ai fini par interroger la jeune femme, assise au guichet, derrière la vitre. S’il vous plaît madame, la prison, c’est bien par là, n’est-ce pas ? non, pas du tout, c’est par là ! Elle me souriait tout en tendant le bras dans la direction opposée. Et c’est loin ? non, à pied vous en avez pour quinze minutes…
Je suis sorti de la gare, j’ai marché le long d’une route bordée d’arbres entrecoupée de nombreux ronds-points ; le trafic était clairsemé, les piétons plus rares encore. J’ai dépassé deux personnes, croisé une troisième, un jeune black, à qui j’ai demandé s’il savait où se trouvait la prison, si c’était bien par là. Il a acquiescé d’un hochement de tête. Il m’a dit : vous allez tout droit, et il a ajouté, un brin ironique, en reniflant, que la prison – je ne pouvais pas la rater… il a fait un geste éloquent, et il a dit que c’était un truc, ouais, super énorme !
Aucun panneau n’indique la direction de la prison, ni à la sortie de la gare ni sur le chemin lui-même. Il s’agit naturellement d’un choix délibéré, fondé sur cet axiome : la plupart des gens qui habitent dans les parages d’une prison ne tiennent pas à ce que ceux qui leur rendent visite l’apprennent…
Tout à l’heure je toucherais au but, j’arriverais devant cette énorme bâtisse, en effet, surmontée d’un mirador. Je constaterais que le nom de la prison, lui non plus, n’est pas inscrit sur la façade de l’édifice. Néanmoins, il est impossible de vous tromper : une prison se reconnaît immanquablement, comme une cathédrale ! Il suffit d’avoir vu une prison moderne une fois, pour les reconnaître toutes, – plantées comme une verrue sur la peau, au milieu d’une plaine aux allures de no man’s land.
De telle sorte qu’un détenu, plus audacieux, plus impétueux, plus malin que les autres, qui réussirait par l’opération du saint esprit à escalader le haut mur d’enceinte – cinq mètres, au bas mot –, et qui, courant à perdre haleine, essaierait de s’évader,– se voie de loin…
Je suppose.
La route qui mène au Centre pénitentiaire de Réau est bordée de bâtiments modernes, entourés de pelouses à l’herbe drue et rase, plutôt bien entretenues. D’autres bâtiments, plus anciens, et vétustes, dont la destination m’échappait, leur succèdent. Une grande route, qui coupait la mienne à angle droit, vient ensuite. La circulation était fluide, les trottoirs déserts. J’ai attendu que le feu passe au vert et j’ai traversé la route en me dépêchant. Comme un vieux cerf échaudé, craintif et inquiet, qui traverse un espace qu’il ne reconnaît pas, qui ne lui appartient pas, et qu’il redoute.
Tout en marchant, j’imaginais qu’au-delà de la prison il y avait des champs, et des blés d’or peut-être. Je songeais à cette vieille chanson mélancolique et tendre, qui date d’avant toutes les guerres, que plus personne ne chante…
Cependant, là où je marchais maintenant, il y avait sur le côté un petit bois, et un grand herbage. Quelques lapins y gambadaient. Dès qu’ils ont senti ma présence et qu’ils m’ont vu, ils se sont carapatés sous les arbres. Ils couraient d’une manière décevante, comme des lapins domestiques, sans se presser, plutôt que comme des garennes.
Depuis que j’avais quitté la gare, une jeune femme, vêtue d’un manteau bleu marine, marchait devant moi à bonne allure. Mais peut-être marchait-elle derrière moi, et qu’elle m’a ensuite dépassé ; à vrai dire je ne m’en souviens plus. Elle était mince, elle avait une jolie silhouette et des cheveux blonds. Elle aurait très bien pu jouer aux côtés de Johnny Deep, dans Alice au pays des merveilles. Soudain elle s’est arrêtée, fixant l’écran de son téléphone portable. Il m’a semblé que la lecture des indications de son GPS ne lui était pas d’une grande utilité. Elle a levé les yeux vers moi, des yeux très bleus, faussement candides. Nous avons deviné aussitôt où l’autre allait, ce n’était pas sorcier ; et je lui ai confirmé que, si je me fiais au plan que l’on nous avait remis, et à l’opinion d’un passant, nous étions certainement dans la bonne direction.
Nous avons parcouru le reste du chemin ensemble, en bavardant de choses et d’autres, à bâtons rompus. Nous sommes arrivés enfin devant le grand portail d’entrée de la prison, une structure en métal, blindée, de plusieurs mètres de large, et très haute.
Au côté droit – il n’y avait pas de « trous rouges au côté droit », pas de « petit pan de mur jaune », moyennant quoi, après, qui sait ? on pourrait mourir, comme le Bergotte de la Recherche… – ; il y avait, sur le côté droit, débordant du mur, un poste avancé. Combien étaient-ils, derrière cette grande glace panoramique de verre fumé noir, et sans tain, à observer sans être vus les allées et venues aux abords de l’entrée de la prison ? J’avais beau scruter la glace, de l’extérieur il était impossible de les voir.
Sur la droite de ce poste avancé, il y avait une porte, de dimension standard. C’était par cette porte latérale que nous entrerions tout à l’heure. Cette porte paraissait minuscule, comparée à l’immense portail par lequel entraient les fourgons cellulaires et les camions des fournisseurs. Devant elle, plusieurs personnes étaient déjà regroupées, et patientaient comme nous allions devoir le faire aussi.
Deux jeunes femmes qui travaillaient pour la compagnie nous ont accueillis, avec beaucoup de gentillesse et de simplicité.
Nous avions été prévenus : avant d’arriver sur le lieu du spectacle, dans le gymnase, au cœur de la prison, il y aurait de nombreux temps d’attente successifs (3).
Et en effet, entre le moment où nous sommes arrivés devant la porte du centre pénitentiaire, et celui où nous avons pénétré dans le gymnase, là où la restitution de l’atelier aurait lieu, il s’est passé plus d’une heure ; sans que quiconque s’impatiente, proteste, ou fût pris de malaise. Les gardiens, compréhensifs, affichaient un grand calme. Ils appliquaient rigoureusement et scrupuleusement les consignes, procédaient avec méthode, sans manifester le moindre embarras ou énervement ; ils souriaient peu, ou pas du tout.
Je n’ai pas trouvé le temps long. Je découvrais des choses que je n’avais jamais vues, qui me laissaient perplexe, et dont je m’efforçais de comprendre la raison d’être (4).
Au centre du gymnase, l’aire d’évolution des danseurs décrivait un vaste carré. Par terre, un revêtement plus adapté, propice à la danse, avait été collé pour l’occasion ; il était lisse, propre, brun foncé, un peu moiré, il brillait doucement. Mais je ne m’en suis aperçu qu’à la fin, lorsque, à ma surprise, un détenu s’est mis en devoir de décoller une par une les longues bandes adhésives qui constituaient ce revêtement.
Ce qui sifflait la fin de la récréation.
Autour de ce carré, deux rangées de chaises en matière plastique, du genre PVC, étaient alignées.
Je me suis assis spontanément au premier rang, sur la droite, afin de mieux profiter du spectacle. Et j’ai attendu, l’esprit tranquille. Entre les chaises, j’ai remarqué qu’il y avait chaque fois un large espace. J’en ai déduit, peut-être à tort, que cet espace avait été créé de telle sorte que les gardiens qui se tenaient debout derrière la deuxième rangée, puissent intervenir rapidement, le cas échéant, si quelque chose tournait à l’aigre…
Un danseur de la compagnie n’a pas tardé à venir vers moi ; il m’a demandé si je voulais bien m’asseoir au deuxième rang. Il a pris le temps de m’expliquer que les chaises du premier rang étaient réservées aux danseurs, pour les besoins du spectacle. Je lui ai demandé de m’excuser, il a souri, et dès lors que je changeais de place, j’en ai profité pour venir m’asseoir près de la sortie du gymnase…
Je ne connaissais personne en dehors de Jane ; comme elle avait suivi l’atelier de Claire Jenny, elle allait donc participer à la restitution. Je l’ai cherchée parmi la troupe des danseurs, mais je n’ai pas réussi à la voir. Se tenant par l’épaule, les danseurs étaient tous agglutinés les uns aux autres, à l’écart, en retrait du plateau ; ils formaient une masse compacte et nous tournaient le dos ; je ne distinguais pratiquement aucun visage. Je me suis dis, bêtement : « Ils font l’autruche…» ; j’ai pensé que c’était une technique éprouvée, un bon moyen de se concentrer ; une façon de faire corps, de se protéger mutuellement avant de mettre un pied sur le plateau, et d’être livrés à tous les regards.
Au pied du mur.
Je crois que c’est à ce moment là que Claire Jenny a pris la parole. Elle nous a expliqué en quoi consistait sa démarche : cet atelier en prison avec des détenus qu’il avait fallu convaincre de participer, et donc cette restitution, à laquelle nous allions assister. Elle nous a demandé d’être bienveillants, nous ne devions pas nous attendre à un spectacle abouti. Elle a peu parlé ; des mots simples et justes.
Alors, en chœur, ils ont poussé un cri, une sorte de Wooh ! sonore et bref. D’un geste brusque, ils ont tendu un bras vers le plafond. Puis, la masse compacte des danseurs a éclaté, ils se sont quelque peu dispersés. L’un d’eux s’est avancé vers le centre du plateau, d’un pas léger, il me semble qu’il trottinait ; les autres sont revenus vers lui et l’ont suivi.
Et la restitution a commencé.
Ils étaient au moins vingt, femmes et hommes, peut-être même trente, dont une dizaine de détenus, autant d’amateurs, et quelques danseurs professionnels attitrés de la compagnie.
Ils tournaient les uns autour des autres, traversant tout ou partie du plateau, se frôlaient, sans jamais se heurter ni s’arrêter. Dans une suite ininterrompue de sauts et de gambades. Avec une grâce et une légèreté jamais prises en défaut, que je trouvais surprenante de la part de certains détenus, au corps massif et athlétique. Je les aurais vus plus volontiers boxer sur un ring, ou soulever des poids. Puis, au bout d’environ vingt minutes ils sont tous revenus s’asseoir sur les chaises au premier rang.
Un temps d’arrêt, de repos, assez bref. Puis, chacun s’est emparé de la chaise sur laquelle, un instant auparavant, il était assis. À un rythme qui m’a semblé plus lent, mais soutenu, ils se sont tous remis à danser, tournant encore les uns autour des autres ; l’ombre des corps se reflétait sur le sol. La musique était idéale.
Avec sa chaise, brandie tel un trophée, ou peut-être une arme toute symbolique, chacun des danseurs décrivait dans l’air au-dessus de sa tête de larges arabesques, lentes et mesurées. Et toujours sans jamais heurter l’autre qui faisait de même, ni s’arrêter. Pour les détenus, c’était vraisemblablement la première fois ; eu égard à leur inexpérience, cela tenait du miracle bien préparé. Mais il était évident que les détenus, et aussi les amateurs, avaient appris lors des multiples séances de l’atelier, les pas de danse qui leur seraient nécessaires, et les techniques de base de placement du corps. J’ignore si la chorégraphie avait été entièrement écrite, ou si la chorégraphe avait simplement dressé un cadre général dans lequel chaque danseur était libre ensuite d’improviser. À vrai dire, je ne connais pas grand-chose à la danse.
A la fin de la restitution, Jane m’a présenté à Claire Jenny. Je lui ai dit que cette restitution était magnifique. Elle m’a regardé en souriant et m’a tendu la main.
Après la restitution, nous, les invités, sommes restés dans le gymnase un bon quart d’heure, à bavarder avec tous les danseurs, les surveillants, d’autres personnes qui se trouvaient là aussi, des membres de la Croix Rouge notamment. Le climat s’est détendu. J’ai constaté que les surveillants, pour leur part, demeuraient sur le qui-vive. Il m’a semblé que leur vigilance se renforçait, même s’ils n’en montraient rien et affichaient un air placide, presque bon enfant.
J’ai bavardé avec un détenu, qui avait fait tomber sa chaise pendant le spectacle. Je lui ai demandé si cette chute, occasionnant une rupture soudaine dans le rythme de la restitution, alors qu’il se trouvait au centre du plateau, était volontaire, une sorte d’effet recherché. Il a souri ; il m’a confié que le plastique de sa chaise était abîmé, qu’une arête coupante l’avait blessé, et que la chaise lui était tombée des mains. Il était grand, mince, athlétique ; ses yeux fixes brillaient intensément ; le sourire ne lui était pas habituel, c’était patent. En fait, il faisait l’effort de me sourire, comme s’il voulait me rassurer… Il parlait avec un accent étranger. Il m’a suffi de ces quelques secondes où je le regardais sourire, pour mesurer tout ce qui nous séparait…
Plus le temps passait, plus un quelconque débordement devenait une hypothèse malgré tout plausible. L’un des surveillants a demandé que l’on se dirige vers la sortie. Je suis sorti de la prison avec le premier groupe d’invités, qui n’avait rien à récupérer au vestiaire.
Seul, j’ai refait en sens inverse le chemin jusqu’à la gare. Un train arrivait, je me suis précipité sur le quai, mais ce n’était pas le bon, ce train se dirigeait vers Melun. Je suis redescendu dans le tunnel, comme à l’aller, et j’ai pris l’escalier suivant, qui débouchait sur un autre quai. Je me suis demandé de quel côté viendrait le train pour Paris ; aucun panneau n’indiquait clairement la direction de Paris. J’ai posé la question à une dame assez âgée, le train pour Paris, c’est bien par là ? Elle m’a regardé, comme si j’étais tombé de la dernière pluie, et a hoché la tête en souriant ; un sourire amusé, indulgent.
Il faisait froid, ou plutôt je trouvais qu’il faisait froid. Le vent soufflait, un vent certes pas très fort, mais pénétrant ; j’avais hâte que le train arrive. J’avais hâte de rentrer ; je ne pensais plus à rien, le froid me paralysait.
Lorsque le train s’est arrêté, je suis monté dans le wagon qui se trouvait juste devant moi et suis allé aussitôt m’asseoir à l’étage. Le train est parti ; il a gagné de la vitesse, il a fini par adopter le même rythme de croisière qu’à l’aller. Toutefois, l’habitude aidant, j’ai eu l’impression qu’il allait plus vite qu’à l’aller. Avec un peu de bonne volonté, en fermant les yeux, j’aurais pu à nouveau voir la mer, et ses reflets dorés le long des golfes clairs…
J’avais l’impression d’une fuite. Entre deux gares, sur le bord de la voie, j’ai vu un immense panneau publicitaire, aussi grand que le portail de la prison. Dessus, il y avait un slogan imprimé en gros caractères. Le slogan vantait le Fanta à l’orange, cette célèbre boisson gazeuse inventée par les nazis pendant la guerre, pour remplacer le Coca-Cola…
Terriblement frais ! disait le slogan.
…………….
(1) Un projet de Claire Jenny, de la Compagnie de danse Point virgule, a réuni un groupe d’amateurs et un groupe de détenus du Centre pénitentiaire de Réau, dans le cadre d’un Atelier « dedans / dehors ».
La restitution de cet Atelier en prison a eu lieu le vendredi 26 octobre devant un public d’invités, de membres de l’Administration pénitentiaire et de détenus.
Une seconde restitution aurait dû se tenir le mercredi 31 octobre, cette fois à l’Atelier de Paris avec les détenus permissionnables. Les permissions de sortie ayant été annulées, cette seconde restitution n’a pas pu être donnée. Jane m’a aimablement invité au spectacle du 26 octobre auquel elle participait. Ce récit – cet hommage à tous les danseurs et à la chorégraphe Claire Jenny –, lui est dédié.
(2) Patrick Modiano, Dora Bruder, folio, Voir ici.
(3) – attendre que cette fameuse porte latérale – la porte d’accès aux parloirs des familles et des avocats – veuille bien s’ouvrir, et que, tout sourire, la coordonnatrice culturelle de la prison (notre lapin blanc ?), accompagnée de deux gardiens, nous autorise à entrer ;
– attendre ensuite qu’un gardien récupère nos pièces d’identité, cartes ou passeports ;
– qu’un second gardien les rassemble, les trie ; d’un côté celle des dames, de l’autre celle des messieurs ;
– qu’un autre encore appelle chacun par son nom, en commençant par les dames ;
– que la personne appelée vide ses poches, ôte éventuellement sa ceinture afin d’éviter que la boucle métallique ne sonne en passant sous le portique ;
– attendre que nous soyons tous passés de l’autre côté, et regroupés dans une vaste pièce, plus lumineuse, qui donnait sur une cour intérieure ;
– attendre que l’on nous distribue des badges, afin de pouvoir récupérer ensuite nos pièces d’identité ;
– attendre qu’une nouvelle porte s’ouvre et que l’on ait franchi, les uns derrière les autres, un tourniquet ;
– que l’on se retrouve enfin à nouveau tous rassemblés dans cette cour intérieure avec, d’un côté, le bâtiment de l’Administration, et de l’autre l’accès aux différents parloirs ;
– que l’on nous invite à déposer nos sacs, et, pour ceux qui le souhaitent, leur manteau, au vestiaire…
(4) Ainsi, par exemple, au-delà du mur d’enceinte de la prison, un périmètre de sécurité était clôturé par de hautes barrières métalliques hérissées de barbelés, lesquelles étaient précédées d’un fossé profond creusé à même la terre. Cependant, à la hauteur du poste avancé, de part et d’autre du portail d’entrée, deux barrières basses, d’un mètre de haut environ, permettaient, de chaque côté, l’accès à ce périmètre pour les gardiens. À supposer qu’un détenu réussisse à franchir le mur d’enceinte, ne pouvait-il s’enfuir aisément par là ? Ces barrières basses, en effet, me paraissaient a priori faciles à enjamber dans l’élan d’une course… Or, il se trouve que le montant supérieur de ces barrières était hérissé de dents métalliques, de telle sorte que – à moins d’être un coureur d’obstacle – celui qui aurait voulu prendre appui sur ce montant pour enjamber la barrière, se serait sérieusement blessé la main…
De même, les chaussures que les gardiens portaient avaient dû faire l’objet d’une commande et d’une fabrication spéciales de la part de l’Administration. Tous, hommes et femmes, portaient de solides chaussures de cuir noir, façon Rangers, plutôt seyantes au demeurant, et dont le talon était considérablement renforcé : il était boudiné, et débordait la semelle d’un bon centimètre ; pour offrir éventuellement une meilleure assiette, en cas d’agression.
Merci pour cette incursion dans le monde carcéral, votre texte sobre et émouvant m’a tenue en haleine jusqu’au bout.
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