Gabrielle WITTKOP, Sérénissime assassinat, roman, 2001, 122 pages, Collection Points, n° 955
Florilège
« Nul aveu ne s’échappe plus facilement que celui d’un amour qu’on ne ressent pas ou qu’on ne ressent plus. Les paroles coulent d’elles-mêmes comme l’eau de quelque écluse mal fermée. On ne sait pourquoi on les prononce et voici qu’avec un déclic féroce se ferme les pièges des démarches inconsidérées. Dès lors on ne pensera plus qu’à la fuite. », page 63
« À Venise, tout est différent. Différent de quoi, sinon de Venise ?… Une ville qui ne montre que la moitié d’elle-même, suspendue sur des millions d’arbres coupés, sur les forêts de l’Istrie, les grands troncs abattus, traînés, flottés, écorcés, taillés en pieux, plantés dans la vase, debout et goudronnés comme des momies, chênes liés de chaînes, ceinturés de fer, immobilisés par les sables depuis des âges, doublement défunts, longs cadavres embarrassés de dépôts calcaires, de moules mortes, d’algues putréfiées, enveloppés de débris innommables, de guenilles décomposées, d’ossements. Ville jumelle sous la ville, réplique inversée des palais, des coupoles, où tout canal devient ciel de l’Hadès, réponse mais non pas reflet car c’est ici la ville des ténèbres, celle dont les cieux sont toujours noirs, la ville d’en bas, l’autre côté. », page 64
« Aimer les livres, tout est là et, à des distances sidérales, dans des brumes, en un de ces millièmes de seconde que seule connaît la moelle de notre être, passent un chignon à la romaine et une robe de jaconas », page 104
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