Imre KERTÉSZ, Le Refus, Actes Sud, 2001, Babel, n°763, roman traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai, en collaboration avec Charles Zaremba
Voir aussi, ici, à propos de Être sans destin, Actes Sud, 1998, Babel, n° 973
Florilège
« Oui, oui : nos pensées sont toujours prisonnières des douces rêveries innocentes des intellectuels, des visions simplistes qui, à une époque plus équilibrée, ont attribué une grandeur audacieuse à la perversité, mais ne se soucient jamais asses des détails. Il y a là une disproportion insurmontable : d’une part, les adresses enivrées à l’aurore, la transvaluation de toutes les valeurs et la sublime immoralité, d’autre part, un convoi avec son chargement humain qu’il faut faire disparaître au plus tôt, si possible sans accrocs, dans des chambres à gaz de capacité toujours trop faible. », page 50
« Puisque pour un écrivain, il n’y a pas de couronne plus précieuse que l’aveuglement de son époque à son égard ; et l’aveuglement accompagné de mutisme est une pierre précieuse de plus. », page 68
« Moi aussi je voulais faire passer un message, sinon je n’aurais pas écrit de roman. Communiquer, à ma façon, selon mes idées, communiquer le matériau qu’il m’est possible de transmettre, mon expérience, moi-même, car tendu et alourdi par son poids comme une mamelle gonflée qui attend la traite libératrice, j’aspirais à communiquer… », page 74
« Il cite quelques exemples d’écrivains qui sont arrivés à bon port, les uns lentement, les autres plus vite. Certains sortent du rang en chemin, se suicident, quittent le métier ou se retrouvent à l’asile ; d’autres en revanche réussissent, vingt ou trente ans plus tard, il s’avère que ce sont de grands écrivains et ce, grâce aux œuvres dont on n’a jusqu’alors fait aucun cas : dès lors, s’ils sont encore en vie, on les cajole, on les fête, on les gâte, et on ne peut rien y faire, pas plus qu’on a pu empêcher leur mise à l’écart antérieure. », page 101
« – La vie ? C’était au tour de Berg de paraître étonné : « Qu’est-ce que c’est ? » demanda-t-il, et Köves avoua sincèrement, à voix basse :
« Je ne sais pas. » Mais il ajouta tout de suite : « Peut-être simplement le fait que nous vivons. », page 210
« (…) on vit toujours comme il est impossible de vivre et il s’avère ensuite que c’était quand même notre vie (…) », page 234
« Il y a très longtemps que je me suis résigné à ne jamais savoir où je vis et quelles sont les lois qui me gouvernent et à devoir me contenter de l’expérience immédiate de mes sens, bien qu’ils soient également trompeurs, et peut-être le sont-ils plus que tout. », page 328
« (…) et quelquefois j’ai l’impression de ne pouvoir me fier qu’à ma peur, comme si c’était ce qu’il y a de meilleur en moi, qui avec le temps me mènera peut-être quelque part, je m’exprime mal : qui peut-être me sortira de quelque part, même si elle ne me mène nulle part… », page 340
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