Roberto BOLAÑO, Oeuvres complètes, tomes I, II, et III, Traduit de l’espagnol par Robert Amutio et Jean-Marie Saint-Lu, Éditions de l’Olivier, 2020

Les œuvres complètes de l’écrivain chilien Roberto Bolaño paraissent aux éditions de l’Olivier, elles comporteront 6 tomes. Les 3 premiers tomes sont maintenant parus, le tome 3 est en librairie depuis le 8 octobre (Voir ici).

Les poèmes ont été rassemblés dans le tome 1, lequel inclut également des nouvelles, ainsi que les courts romans Amuleto et Etoile distante. Le lecteur qui ne connaîtrait pas encore l’oeuvre romanesque de Roberto Bolaño trouvera dans ces deux romans un bel aperçu de son talent.

Dans Amuleto, court roman de 120 pages, le personnage d’Auxilio Lacouture ‒ jeune femme dévouée, attendrissante et bohème, qui se veut l’ange gardien des jeunes poètes mexicains ‒ apparaît pour la première fois. A noter que le personnage d’Auxilio réapparaîtra dans la partie II du roman Les détectives sauvages.
« Je m’appelle Auxilio Lacouture et je suis uruguayenne de Montevideo, même si, quand les crus me montent à la tête, les crus de l’étrangeté, je dis que je suis charrúa (membre des tribus de la côte nord du Rio de la P late, N.d.T.), ce qui revient au même, quoique ce ne soit pas la même chose, et que cela confonde les Mexicains, donc tous les Latino-Américains », page 649.

Etoile distante est également un court roman de 120 pages, environ. Le narrateur nous raconte la vie d’un personnage énigmatique, Carlos Wieder. Séduisant de prime abord, il se révélera, au fil du temps, d’une cruauté inouïe…
« La première fois que j’ai vu Carlos Wieder ce devait être en 1971 ou peut-être en 1972, du temps où Salvador Allende était président du Chili. A cette époque-là il se faisait appeler Alberto Ruiz-Tagle et fréquentait parfois l’atelier de poésie de Juan Stein, à Concepción, la capitale du Sud, comme on dit. », page 1101.

Toute sa vie, Roberto Bolaño s’est voulu et déclaré poète avant tout. Mais, probablement, c’est du moins mon avis, c’est le romancier, singulièrement celui de 2666 (Voir ici, et ) et des détectives sauvages (Voir ici) que l’histoire de la littérature retiendra en premier.

Florilège

« J’aime aussi me doucher avant d’aller dormir. La maman d’Arturito me disait : prends une serviette propre, j’en ai mis une pour toi, Auxilio, mais je n’utilisais jamais de serviette. Je n’aime pas ça. Je préférais m’habiller la peau encore mouillée et que ce soit la chaleur de mon corps qui sèche les gouttes d’eau. Cela amusait les gens. Cela m’amusait aussi.
Mais j’aurais pu tout aussi bien devenir folle. 
Si je ne suis pas devenue folle, c’est parce que j’ai toujours gardé mon sens de l’humour.
Je riais de mes jupes, de mes pantalons comme des tubes, de mes bas rayés, de mes chaussettes blanches, de la coupe à la Prince Vaillant de mes cheveux chaque jour moins blonds, chaque jour plus blancs, de mes yeux qui scrutaient la nuit du D.F. (District Fédéral de Mexico), de mes oreilles roses qui écoutaient les histoires de l’université, les promotions et les rétrogradations, les « pas question », les promotions retardées, les à-plat-ventrismes, les adulations, les faux mérites, les lits fragiles qui se défaisaient et puis se faisaient à nouveau sous le ciel frémissant du D.F., ce ciel que je connaissais si bien, ce ciel turbulent et hors d’atteinte comme une marmite aztèque sous lequel je me déplaçais heureuse, avec tous les poètes du Mexique et avec Arturito Belano qui avait dix-sept ans, dix-huit ans, et qui grandissait pendant que je le regardais. Tous grandissaient protégés par mon regard ! »,
Roberto Bolaño, Oeuvres complètes, I, Amuleto, Editions de l’Olivier, pages 674 et s.

« J’ai couché avec les poètes. Pas avec un grand nombre, mais j’ai couché tout de même avec quelques-uns. J’étais, malgré les apparences, une femme et non une sainte. Et bien sûr ce n’est pas qu’avec un seul poète que j’ai couché. (…) j’ai couché et j’ai fait l’amour avec appétit. Le mot est appétit. Il faut avoir de l’appétit pour faire l’amour. Il faut aussi en avoir l’occasion, mais il faut surtout en avoir l’appétit. »,
Amuleto, page 677.

« L’amour n’apporte jamais rien de bon. L’amour apporte toujours quelque chose de meilleur. Mais le meilleur est parfois le pire si tu es une femme, si tu vis sur ce continent que les Espagnols ont eu le malheur de découvrir et qu’ont eu le malheur de peupler ces Asiatiques égarés. »,
Amuleto, page 683

« Quand j’étais petite, je pensais que les trois bises que donnaient les Françaises voulaient dire : liberté, égalité, fraternité. Maintenant je sais que ce n’est pas le cas, mais j’aime continuer à le penser. »,
Amuleto, page 720.

« Alors j’ai donné à ma jambe droite le nom de volonté et à ma jambe gauche celui de nécessité. Et j’ai résisté. »
Amuleto, page 763.

« (…) la vie n’est pas seulement vulgaire, elle est aussi inexplicable. »,
Appels téléphoniques et autres histoires, Enrique Martín, page 808.

« Il faut d’abord vider la bouteille, dit-il, et ensuite l’âme. »,
Appels téléphoniques et autres histoires, La neige, page 853.

« (…) et quand finalement j’ai ouvert la portière je me suis retournée et Jack était là-bas, à côté de sa porte, en train de me regarder, et alors j’ai compris que tout était bien, que je pouvais partir. Que tout était mal, que je pouvais partir. Que tout n’était que tristesse, que je pouvais partir. »,
Appels téléphoniques et autres histoires, Joanna Silvestri, page 942.

« Comme si la douleur n’était pas une énigme suffisante ou comme si la douleur n’était pas la réponse (énigmatique) à toutes les énigmes. »,
Appels téléphoniques et autres histoires, Vie d’Anne Moore, page 971.

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